L E SIDA n'échappe pas au phénomène de mode. La conférence annuelle américaine en est la preuve, avec ses multiples courants de pensée. Lors de la dernière conférence de Chicago, la stimulation du système immunitaire par des moyens divers, tels que les arrêts thérapeutiques, était à l'honneur. Car les trithérapies intensives dès la primo-infection (PI) n'ont pas apporté les résultats escomptés, à savoir l'éradication du virus.
Les résultats des essais français (ANRS) et américains commencés lors de la primo-infection ont obtenu après de 18 à 24 mois de trithérapie un contrôle de l'infection chez 50 % des malades (qui serait de 90 % si l'observance était optimale), mais aussi une persistance de la réplication virale et des effets indésirables, dont 20 à 25 % de lipodystrophies.
La nécessité d'administrer le traitement à vie pose également, à terme, un problème de résistances. A ce jour, néanmoins, le taux de primo-infections par des virus résistants n'est que de 3 à 4 % en France.
Un autre inconvénient de la trithérapie est qu'elle affaisse la réponse immunitaire, car la baisse de la charge virale provoque logiquement celle des défenses de l'organisme.
L'origine de l'idée de l'immunothérapie
Par conséquent, la connaissance du caractère déficient de la réponse immunitaire lors de la primo-infection a été à l'origine de l'idée de l'immunothérapie, l'objectif étant de renforcer les défenses immunitaires le plus rapidement possible (d'après des études chez l'animal, l'efficacité de l'immunité dépend de sa rapidité d'installation).
Deux approches de l'immunothérapie font actuellement l'objet d'essais cliniques. La première est celle de l'immunothérapie active exogène qui combine un vaccin stimulant (canarypox + gènes du VIH) ± une cytokine (IL2) ± de l'interféron. L'essai français PRIMOVAC (ANRS), actuellement en cours, inclut 60 patients après un an de trithérapie commencée dès la primo-infection. Dans un bras, les patients conservent leur prescription initiale, dans un second, des cures d'interleukine 2 (IL2) sont ajoutées, dans un troisième, enfin, les patients reçoivent une trithérapie, de l'IL2 et un mélange vaccinal.
La seconde approche fait couler beaucoup d'encre. Il s'agit de l'autostimulation du sujet par des interruptions thérapeutiques : dans ce cas, ce sont les propres virus du patient qui stimulent son immunité. L'essai français PRIMSTOP (ANRS), également en cours, procède à des arrêts thérapeutiques programmés séquentiels chez 24 patients qui ont préalablement reçu une trithérapie pendant de 9 à 12 mois. Les résultats des deux études françaises sont attendus pour 2002.
Etudier l'immunité spécifique antivirale
Les recherches immunologiques sur le VIH sont aujourd'hui beaucoup plus fiables grâce à la possibilité d'étudier l'immunité spécifique antivirale sans passer par une mise en culture des lymphocytes. Cette mise en culture auparavant pratiquée ne rend pas compte de la réalité, car la culture sélectionne des populations de lymphocytes qui se développent plus vite et créent un biais. Aujourd'hui, on peut mesurer la capacité à sécréter de l'interféron par les CD8 après mise en contact avec des antigènes viraux ou rechercher des récepteurs spécifiques présents à la surface des lymphocytes T.
D'après une table ronde organisée par Ensemble contre le SIDA, avec le Dr Alain Venet, unité INSERM E0109, laboratoire virus, neurone et immunité, hôpital du Kremlin-Bicêtre.
Des chiffres inquiétants
Si 80 % des primo-infections s'accompagnent de signes cliniques, combien sont-elles à être diagnostiquées en France ?
D'après les dernières estimations françaises :
- 50 % des patients qui entrent dans le SIDA ne se savaient pas malades.
- 25 % connaissaient leur séropositivité mais n'étaient pas traités.
- 25 % sont des échecs thérapeutiques.
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