Violences au travail en Europe : sur 15 millions de victimes, de nombreux personnels de santé

Publié le 16/01/2001
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Un état des lieux réalisé par EUROGIP (2), maillon européen de l'institution de prévention des risques professionnels de la Sécurité sociale, montre que la « violence externe » est quotidienne dans le milieu de la santé, les transports en commun et les commerces.

Tous les Etats membres de l'Union ou presque sont concernés par les brutalités exercées sur les salariés par des personnes extérieures à l'entreprise, même si la sensibilité au problème se révèle nettement plus grande dans le nord que dans le sud du vieux continent.
Au total, plus de 15 millions de travailleurs, c'est-à-dire 10 % de la population active, se disent l'objet de violence, de harcèlement moral ou sexuel, là où ils exercent leur activité professionnelle.
Les hôpitaux font partie des entreprises à risque et réfléchissent aux moyens de prévenir ces violences. Au centre hospitalier universitaire de Limoges, en Haute-Vienne, depuis près de deux ans, on tente de résister à ce phénomène, caractérisé, par exemple, par des comportements irascibles de patients aux urgences.
Au niveau de l'organisation du travail, une « équipe d'accueil et d'orientation des malades » a été créée. Un système de vidéosurveillance permet de sécuriser les aires de stationnement pour voitures. Enfin, un médecin anesthésiste, avec le concours d'un cadre infirmier, anime une formation à l'autodéfense douce (sans donner de coups), à l'instar de la clinique psychiatrique allemande de Münster où l'on apprend à désamorcer les contextes conflictuels et à les gérer.
Au centre hospitalier spécialisé de Rennes, en Ille-et-Vilaine, le comité d'hygiène et de sécurité des conditions de travail songe à prendre des dispositions préventives. Il s'agit de laisser suffisamment d'espace autour des lits pour les soignants, de placer les fauteuils des malades dos au mur ou d'équiper ceux qui travaillent seuls d'un talkie-walkie.
En Grande-Bretagne et en Irlande, les organismes de sécurité et de santé au travail (HSE et HSA) ont mis en œuvre des campagnes d'information et d'inspection des entreprises, depuis une dizaine d'années. Le NHS (National Health Service) britannique diffuse, entre autres, à destination des infirmiers des 400 hôpitaux du royaume un guide et une vidéo. A Dublin, en outre, les inspecteurs du travail ont condamné le centre hospitalier de Cork pour ne pas avoir pris des mesures de prévention « suffisantes ».
La Suède et les Pays-Bas ont adopté, dès 1993 et 1994, une législation spécifique. Il y est question d'évaluation des risques, d'information et de formation des salariés, de prévention des risques et de prise en charge des victimes. « Ces textes, souligne EUROGIP, sont encore insuffisants, mais ils ont le mérite d'exister. Leurs effets positifs sont limités aux grandes entreprises. En outre, la réglementation ne peut résoudre, à elle seule, le problème. »

Banques et compagnies aériennes

Dans les banques britanniques, les guichets de retrait d'espèces ont été presque tous supprimés. British Airways entend former son personnel à détecter les éventuels passagers « agités » avant l'embarquement. En matière de prise en charge des victimes, les actions recensées sont exclusivement d'ordre psychologique. Certains, comme La Poste, privilégient une solution interne, d'autres, à l'image de la RATP, préfèrent opter pour une réponse « externalisée », avec des psychologues mobilisables sept jours sur sept et vingt-quatre heures sur vingt-quatre pour intervenir après l'agression d'agents. Dans les deux cas, l'intervention le plus tôt possible après l'événement violent, l'implication de la hiérarchie et la reconnaissance de la victime en tant que telle sont la règle . Plus rares semblent être les sociétés qui accompagnent les personnes agressées dans leurs démarches administratives ou judiciaires, ce que fait la compagnie aérienne britannique.
La difficulté, bien sûr, est qu'il n'y a pas de stratégie unique, car « ce sont des facteurs multiples, d'ordre structurel, organisationnel ou environnemental, qui déclenchent la violence ».

(1) L'Union européenne compte, au total, 378 millions d'habitants.
(2) EUROGIP (tél. 01.40.56.30.40) a été constitué par la CNAMTS et par l'Institut national de recherche et de sécurité, pour animer, coordonner et développer les actions de la Sécu en matière de sécurité et de santé au travail sur le plan européen.

Philippe ROY

Source : lequotidiendumedecin.fr: 6836