L ES patients atteints de Xeroderma pigmentosum présentent une susceptibilité particulière aux cassures et remaniements, induits par les UV, dans l'ADN. Cette susceptibilité est liée à une altération des mécanismes de réparation de l'ADN et se solde, au niveau cutané, par des proliférations malignes environ 1 000 fois plus fréquentes que dans la population générale. Mis à part l'écran total, il n'existe pas de manœuvre préventive.
Une enzyme bactérienne, la T4 endonucléase V, a toutefois fait l'objet d'expérimentations préliminaires encourageantes. L'enzyme, impliquée dans les mécanismes de réparation de l'ADN dans la bactérie, est connue pour exciser une lésion fréquemment associée aux UV : les dimères de pyrimidine. Il a été montré que des applications topiques de l'enzyme, contenue dans des liposomes, accélèrent l'excision de ces dimères dans la peau des malades.
Une étude prospective a donc été menée dans des centres américains, allemands, britanniques et canadiens, sous la coordination de la société américaine Applied Genetics Incorporated Dermatics, qui développe cette thérapie expérimentale sous le nom de T4N5, avec le soutien de l'office américain pour les médicaments orphelins - fait suffisamment rare pour être signalé.
Traités durant un an
Trente patients, donc, ont été recrutés. Vingt d'entre eux se sont traités durant un an par application quotidienne d'une lotion active sur les bras et le visage, neuf autres recevaient une lotion placebo. Les lésions cutanées étaient dénombrées tous les trois mois, et retirées.
Au terme d'une année, l'apparition de 8,2 kératoses actiniques en moyenne a été observée dans les zones traitées chez chacun des patients appliquant la lotion, contre 25,9 dans le groupe placebo. Pour les carcinomes baso-cellulaires, les chiffres étaient respectivement de 3,8 et 5,4. On note enfin que le traitement a été bien toléré et considéré comme facile à utiliser.
Ces résultats, encourageants, comportent deux limites. Premièrement, l'analyse en fonction de l'âge des patients (entre 2 et 65 ans) ne fait apparaître de bénéfice qu'en deçà de 18 ans. Compte tenu de la diminution drastique de l'espérance de vie liée à la maladie, l'explication la plus vraisemblable est que toutes les formes de Xeroderma pigmentosum étaient représentées parmi les patients jeunes, mais qu'à partir d'un certain âge une sélection s'est opérée des cas les moins sévères, et apparemment les moins répondeurs au traitement. Une future étude devra s'intéresser aux facteurs prédictifs de la réponse ; facteurs probablement génétiques, puisque 7 gènes différents sont susceptibles d'être en cause dans la maladie.
Neuf carcinomes spino-cellulaires
Seconde limite : les lésions malignes graves. Parmi les 20 patients du groupe traité, neuf carcinomes spino-cellulaires ont été observés, contre six parmi les 9 patients du groupe placebo ; chiffres qui paraissent peu différents. Pour les mélanomes, en revanche, onze cas ont été observés dans le groupe traité, contre deux dans le groupe placebo. En fait, les effectifs sont insuffisants pour permettre une analyse statistique. Il reste que l'excès apparent de mélanomes parmi les patients traités soulève la question d'un risque éventuel : la réparation de certaines des lésions de l'ADN, et non de toutes, pourrait empêcher la révélation d'une lésion à un stade bénin, favoriser l'échappement de la cellule à l'apoptose et se solder par l'apparition de lésions plus graves. Cette hypothèse aussi devra être approfondie.
Si ce risque n'est pas confirmé, l'enzyme bactérienne administrée via des liposomes pourrait avoir un bel avenir, non seulement pour les patients atteints de Xeroderma pigmentosum, mais pour la prévention des lésions postexposition dans la population générale ; application que les auteurs envisagent explicitement.
D. Yarosh et coll. « Lancet » 2001 ; 357: 926-929.
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