Les généralistes sont sévères sur la politique de santé menée depuis 2012. Selon notre enquête CMC, les acteurs de soins primaires sont dubitatifs sur l’efficacité des mesures adoptées et se sentent un peu les oubliés de ces dernières années. Leur pire cauchemar : l’extension du TPG. La meilleure nouvelle : le C à 25 euros. Le débat qui les a le plus impacté : la fin de vie.
Ce quinquennat-là ne restera visiblement pas dans les annales pour ce qu’il a apporté à la médecine libérale. Du moins du point de vue des médecins généralistes. L’enquête qu’a réalisée à la mi-décembre Call Medi Call auprès de deux cents d’entre eux renvoie l’image de praticiens plutôt sévères à l’égard de l’action menée ces dernières années en matière de santé. Premier enseignement : le bilan santé de François Hollande est jugé plus négativement que celui de son prédécesseur, Nicolas Sarkozy, en tout cas par une majorité de généralistes : 54,5 % pensent que la politique de santé a été moins bénéfique sous Hollande que sous Sarkozy, pour seulement 4 % qui sont de l’avis inverse. Le reste, c’est-à-dire, quand même, plus de 4 généralistes sur 10, renvoyant dos à dos les deux mandats. On dira que ces remarques valent désormais pour l’Histoire, puisque l’un et l’autre des présidents ont tiré leur révérence, il y a peu... Mais ces jugements peu complaisants valent sans doute aussi pour des personnalités qui ont fait les années passées et pourraient encore être des acteurs de premier plan jusqu’en 2022 : Touraine, Valls ou Fillon, par exemple.Une revalo historique... mais tardive !
Si la profession se montre aussi sévère, c’est peut-être parce qu’elle s’est sentie oubliée. Quand on leur demande de désigner pour qui les années Hollande ont été les plus favorables, seuls 12,5 % des médecins généralistes répondent « aux médecins libéraux », pour 23 % qui citent « les paramédicaux », proportion assez forte qu’il faut peut-être analyser à l’aune du débat sur la délégation de tâches. Mais c’est surtout du côté hospitalier que le quinquennat a penché, estime au final la grande majorité (64,5 %). Un jugement qui, cinq ans plus tard, peut paraître paradoxal, quand on sait que la campagne électorale de François Hollande 2012 avait insisté sur la nécessité d’un rééquilibrage en direction de la médecine générale. D’ailleurs, concernant la progression annuelle de l’Ondam, le différentiel ville-hôpital, traditionnellement favorable au second, a bien été supprimé ces dernières années. Las, le seuil historiquement bas de l’évolution des dépenses de santé ces trois dernières années a tout de même été vécu comme une cure d’austérité en ville comme à l’hôpital…
Dans ce contexte un peu tristounet, la majorité des généralistes concèdent pourtant que l’accord sur le C à 25 euros est la meilleure nouvelle du dernier mandat. 51 % sont en effet de cet avis, auxquels on peut sans doute ajouter les quelque 14 % qui se réjouissent d’abord de la signature de la nouvelle convention. Des suffrages qui ne s’analysent pas forcément comme un quitus donné au gouvernement, vu le délai d’obtention de cette revalorisation... Simplement, cette hausse historique est perçue de façon plus avantageuse que « les progrès dans la couverture sociale des libéraux », qui n’ont concerné que les praticiens en zone rurale ou les femmes enceintes et ne ne sont cités que par 18 % des praticiens interrogés. Un pourcentage similaire citant en premier la création de nouveaux forfaits.
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Les trois gros soucis
Il faut croire qu’aux yeux des généralistes, les mauvaises nouvelles ont davantage affecté leur quotidien depuis 2012. Sur ce terrain, les avis sont d’ailleurs assez partagés les concernant. Un tiers fait du chantier d’extension du tiers-payant l’ennemi public numéro un. Pour 28 %, c’est surtout l’aggravation de la crise de la démographie médicale particulièrement sensible dans la décennie 2010 qui a gâché l’exercice. L’obligation d’accessibilité des cabinets, une des polémiques de ces dernières années, étant mise en avant par 23 % du panel, devant la hausse des cotisations, qui, sur les retraites notamment, a affecté le portefeuille des libéraux. Au total, c’est peut-être dans ce cocktail d’une paperasserie non résolue, d’une pénurie qui s’aggrave et de nouvelles tracasseries qu’il faut trouver les causes de la mauvaise humeur des médecins généralistes.
à preuve, la sévérité manifestée par les praticiens concernant la grande priorité affichée par les gouvernements Ayrault et Valls : l’amélioration de l’accès aux soins. Les deux initiatives les plus mises en avant par le ministère de la Santé sont littéralement étrillées par nos lecteurs : seuls 2 % placent en tête le « pacte territoire santé » et, avec 4 %, la régulation du secteur 2 – qui fut la grosse affaire du début du quinquennat – ne fait guère mieux. Reste le TPG, placé en premier par 23 % des médecins. Mais, aux yeux des soignants, les mesures qui paraissent finalement les plus efficaces pour que les assurés se fassent soigner sont la hausse de la CMU (34 %) et l’obligation de complémentaires pour tous les salariés (37 %), effective depuis un an. Une ultime réforme, dont l’efficacité a pourtant été mise en doute par plus d’un expert…
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Fin de vie, une réforme qui compte
Reste la santé publique, sujet moins conflictuel, encore que parfois polémique ces dernières années. Petite déception pour la ministre de la Santé : parmi les cinq mesures phares portant sa griffe, ni le paquet neutre de cigarettes, ni le remboursement de l’IVG à 100 %, pourtant si chères à Marisol Touraine, ne semblent avoir marqué les médecins de famille, qui ne sont que respectivement 11 et 7 % à les citer en premier. En comparaison, la création des salles de shoot fait beaucoup mieux (23 %), tout comme le droit à l’oubli pour les malades du cancer (27 %). Mais c’est le droit à la sédation terminale, principale innovation de la deuxième loi Léonetti, qui reste le plus dans les mémoires.
Sans doute, parce que cela a des conséquences directes sur le quotidien du généraliste. Quand on les interroge sur les grands débats de ces dernières années qui les ont le plus concernés, les praticiens évoquent en effet dans l’ordre : la fin de vie, la polémique sur les pilules 3G, le débat sur l’obligation de vaccination, celui sur le dépistage du cancer du sein, et enfin celui sur le prix des médicaments innovants.
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