Aujourd’hui, les rayonnements ionisants sont partout à l’hôpital : dans les blocs opératoires, bien sûr, en réanimation et soins intensifs (appareils portatifs principalement), en salle de cathétérisme, dans les services de radiothérapie… Il faut dire qu’ils sont utilisés à des fins diagnostiques et thérapeutiques dans la plupart des domaines médicaux. Les soignants soumis aux radiations sont divisés en deux catégories : catégorie A (principalement radiologues et cardiologues susceptibles de recevoir une dose supérieure à 6 mSv/an) et catégorie B (soignants de bloc, anesthésistes, internes… susceptibles de recevoir des doses comprises entre 1 et 6 mSv/an).
Les zones de travail sont individualisées en fonction des doses susceptibles d’être délivrées. Dans les zones surveillées les soignants doivent porter un dosimètre passif. Au sein des zones contrôlées où des doses équivalentes ou supérieures à 3/10 de celles pouvant causer des lésions aux cristallins (cataracte), aux seins, à la thyroïde ou aux mains (cancers cutanés) [zones vertes, jaunes, oranges et rouges] le port d’un dosimètre opérationnel est nécessaire en plus du dispositif passif ainsi qu’un tablier de plomb avec protège thyroïde, des gants et des lunettes plombées lorsque les doses sont particulièrement élevées (1). Alors que désormais on considère que les chirurgiens, les anesthésistes et les étudiants sont plus irradiés que les radiologues (historiquement les plus exposés), quel est l’état de leur connaissance sur les risques ionisants ?
Connaissances, perception et sensibilisation des soignants
C’est la question que Thiago Bouça Nova, un jeune médecin du travail au CHU de Nice, a choisi d’évaluer, dans le cadre de son travail de thèse (2) qui a porté sur les connaissances, la perception et la sensibilisation des soignants exposés aux radiations ionisantes au bloc opératoire. Il voulait également préciser dans quelle mesure les soignant étaient informés de la place du conseiller en radioprotection et en évaluation du risque et s’ils étaient sensibilisés à la place du service de santé au travail dans la surveillance (Suivi Individuel Renforcé). Premier constat : seuls 29 des 227 médecins (12,8 %) sont à jour de leur visite du travail (au moins une fois tous les 48 mois). Les plus mauvais élèves sont les internes (avec 0 % de visite au cours des quatre dernières années pour les 85 internes) alors qu’en anesthésies, en radiologie, dans les spécialités médicales et chirurgicales, 20 % des 142 médecins seniors ont vu le médecin du travail dans les 48 mois précédents. Par ailleurs, le service de santé au travail a aussi constaté que les équipements de protection individuels (EPI) et les dosimètres étaient peu utilisés par les médecins au bloc opératoire.
Thiago Bouça Nova a adressé un questionnaire aux 227 médecins (internes inclus) et seuls 51 ont accepté de répondre (principalement des chirurgiens et des hommes). Les plus jeunes étaient les moins enclins à réaliser leur obligation de médecine du travail (26,4 % pour les moins de 40 ans contre 45,6 % pour les plus de 40 ans, soit 35,3 % des répondants). Les médecins qui ont très peu répondu aux convocations de suivi sont les cardiologues interventionnels, deux seulement ont répondu contre 82,7 à 100 % des anesthésistes. Les raisons avancées par les non-compliants étaient principalement « Je n’en vois par l’utilité », « Je n’ai pas le temps ».
Quant au port des EPI pendant l’exposition aux rayonnements ionisants, si le tablier était accepté par 80,4 % des agents, le cache thyroïde était surtout utilisé par les plus âgés (75,8 % de non-port pour les moins de 40 ans, contre 59,1 % des plus de 40 ans).
Interrogées sur la question du non-port du dosimètre, qui concerne 65 % des répondants, les principales raisons avancées sont « la difficulté d’accès aux résultats », « la non-disponibilité de l’appareil » et « l’absence de justification compte tenu du niveau de l’exposition ».
Face aux mauvaises habitudes des médecins, Thiago Bouça Nova a conclu que des mesures préventives plus rigoureuses doivent être mises en place et notamment des formations obligatoires et un renforcement des moyens humains dédiés par les services de santé au travail.
(1) Castagnet X, Amabile A, Cazoulat A et al. Radioprotection du personnel au bloc opératoire - Archives des maladies professionnelles et de l’environnement. Doi : 10.1016/j.admp.2009.04.017
(2) Bouça Nova T. La radioprotection au bloc opératoire : perception des risques par les médecins. Thèse 2020