Reprenons le cas de Mr F, 75 kg, patient alcoolodépendant désireux de prendre en charge son problème d'alcool (lire Le Généraliste FMC du 2481 du 13 mars 2009). Il consommait 2 verres de vin à midi, 3 le soir, ainsi que des apéritifs (alcool fort) : au moins un chaque soir, davantage le week-end, et depuis 3 mois, il s'arrangeait pour garder dans son bureau de quoi prendre un apéritif vers 11 heures. Il a fait plusieurs tentatives infructueuses pour réduire sa consommation. En l’interrogeant, vous aviez retrouvé quelques signes de la lignée dépressive, d'intensité modérée. Son dernier bilan biologique montre un VGM à 99, des gamma-GT à 1,5 fois la normale, et une hypertriglycéridémie. Lors de la dernière consultation, il a choisi de tenter un sevrage d'alcool (aucune contre-indication).
Quelles sont les modalités pratiques du sevrage ?
-) Un bon outil pour la médecine générale est le score de Cushman, qui donne une indication fiable sur l'intensité des symptômes de sevrage et sur leur évolution sous traitement en cours de sevrage (Tableau 1 ; réf 1), ce qui permet d'éviter les accidents de sevrage. Le patient doit être hospitalisé lorsque le score atteint ou dépasse 8 (2), ce qui témoigne d'une dépendance physique intense.
-) Selon l'Anaes et la Société française d’alcoologie (3), le traitement médicamenteux préventif par benzodiazépines (BZD) réduit la fréquence des accidents (delirium tremens et/ou convulsions généralisées) de 10 % à moins de 2 %. La prévention médicamenteuse des accidents de sevrage doit être systématique lors d’un sevrage ambulatoire s’il existe une dépendance physique. Les BZD sont aujourd'hui le traitement médicamenteux de première intention du syndrome de sevrage alcoolique. Les BZD à demi-vie longue comme le diazépam préviennent mieux les crises comitiales. "En revanche, si la dépendance physique est peu intense et que le patient souhaite poursuivre son activité professionnelle, je privilégie une BZD à demi-vie courte, explique le Dr Michaud. En effet, l'arrêt de travail ne doit pas être systématique et nous devons nous adapter au choix du patient". On estime que 10 mg de diazépam équivalent à 30 mg d’oxazépam, 2 mg de lorazépam, 1 mg d’alprazolam, et 15 mg de chlorazépate (3).
En ambulatoire, l'Anaes propose les protocoles suivants, à doses dégressives, et en limitant la durée du sevrage à une semaine :
- diazépam per os : un comprimé à 10 mg toutes les 6 heures pendant un à trois jours puis réduction en quatre à sept jours et arrêt,
- ou diazépam per os : 6 comprimés à 10 mg le 1er jour et diminution d’un comprimé par jour jusqu’à arrêt.
"Le choix entre ces deux modalités dépend de plusieurs facteurs, notamment du poids et de l'intensité de la dépendance. Si le poids est élevé et/ou la dépendance importante, je prescris plutôt le protocole comprenant 6 comprimés de diazépam le premier jour. Il est prudent de réévaluer la situation après 24 heures, si possible en revoyant le patient afin de recalculer le score de Cushman, ou à défaut par téléphone".
-) Concernant l'hydratation, le patient doit boire selon sa soif, en évitant les boissons sucrées. L'administration de thiamine (vitamine B1) est nécessaire à titre préventif (500 mg /j 14 jours per os en l’absence de signe neurologique central ou périphérique) (3).
-) Sans oublier la prise en charge psychologique et sociale et l'importance des associations d'entraide dès le temps du sevrage.
-) La dépendance aux BZD doit être évitée avant comme après le sevrage.
Faut-il prescrire d'emblée un antidépresseur ?
Il est recommandé de respecter un délai d’au moins 2 à 4 semaines de sevrage avant de prescrire un anti-dépresseur, sauf si l'intensité du syndrome dépressif ou l'importance du risque suicidaire nécessite une prise en charge immédiate, à commencer alors en milieu hospitalier (3). En effet, les troubles dépressifs sont souvent secondaires à la consommation d'alcool, et seuls 10 à 15 % des épisodes dépressifs majeurs présents au moment du sevrage persistent après un mois (4). Il ne faut pas traiter la dépression ni l’anxiété accompagnant l’alcoolodépendance avant d’avoir abordé la question de l’alcool. Le choix de l'antidépresseur et sa posologie obéissent aux mêmes règles que pour les autres formes de dépression.
Quelles solutions envisager pour le maintien de l'abstinence ?
-) "A court terme, le pourcentage de réussite du sevrage ambulatoire se situe aux alentours de 80 %. Sur le long terme, l'un des meilleurs critères prédictifs de réussite est la qualité du lien entre le patient et le médecin : plus celui-ci est empathique avec le malade, plus le taux de réussite augmente. A l'inverse, plus le médecin est directif, jugeant, confrontant, plus le taux de rechute est élevé. On peut proposer de revoir le patient une fois par semaine le premier mois, puis une fois par mois. Outre la qualité du suivi, deux autres éléments interviennent sur la prévention de la rechute. La prise en charge psychothérapique d'une part, notamment au moyen des thérapies cognitivo-comportementales ou par la participation à des groupes d'anciens buveurs ; d'autre part la prise en charge pharmacologique par les médicaments d'aide au maintien de l'abstinence".
-) Deux molécules sont disponibles. L'acamprosate doit être instauré le plus tôt possible après l'arrêt de la consommation d'alcool et prescrit au maximum pour un an. La naltrexone peut être instituée après la phase de sevrage pour une durée de 3 mois. Des études comme l’étude Combine ont pu évaluer l'efficacité du maintien de cette molécule à plus long terme. La naltrexone ne doit jamais être utilisée chez des sujets en état de dépendance aux opiacés. En cas de besoin, acamprosate et naltrexone peuvent être associées. Le disulfirame (effet antabuse) ne fait plus partie des traitements de première intention après sevrage (4).
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