L'observation
Ludovic, 28 ans, vient consulter après son travail de cariste pour le diagnostic d'une douleur au sommet du sillon interfessier. Elle est permanente, sous forme d'une gêne modérée qui n'entrave pas son quotidien, mais qui peut s'accentuer à la pression. Elle est apparue il y a environ deux ans, mais ne le préoccupait pas. Depuis deux semaines la douleur est plus intense et le perturbe dans son travail (il conduit des chariots élévateurs). En parallèle, sont apparus des écoulements puriformes et même des saignements. Ludovic n'a aucun antécédent. Il fume un paquet de cigarette tous les deux jours. L'examen physique constate les lésions suivantes (photo 1). On palpe au-dessus une lésion sous-cutanée nodulaire et indurée. Le toucher rectal est normal.
Quel est votre diagnostic ?
Il s'agit d'un sinus pilonidal chronique. Une malformation cutanée (le sinus) est le point de départ d'une infection qui se propage sous l'épiderme (photo 2) ; dans l'immense majorité des cas, le trajet est ascendant vers la région rétro-sacrée. On ignore si cette anomalie est acquise ou congénitale.
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> Il pourrait s'agir d'une anomalie de fermeture du revêtement cutané dont l'orifice est obturé par des dépôts de kératine ; on évoque aussi une effraction cutanée par les poils du sillon interfessier, favorisée par une pilosité abondante et par l'obésité. Il est plus fréquent chez des sujets adultes masculins de race blanche.
> Le sinus est souvent multiloculaire, réalisant un alignement de petit pertuis, d'où peuvent ressortir des poils (photo 3). La formation constituée d'une cavité filiforme n'a pas de paroi propre. Elle est souvent associée (mais pas obligatoirement) à un follicule pileux.
> Le seul symptôme du sinus pilonidal est l'infection avec son cortège de symptômes non spécifiques : tuméfaction, douleur, rougeur, écoulement. Il existe ainsi une alternance de gonflements douloureux et d'écoulements salvateurs.
Ce qu'il faut faire !
> Il faut tout avant toute chose faire le diagnostic. Celui-ci est purement clinique. Aucun examen complémentaire ne se révèle donc nécessaire.
• Le diagnostic est facile quand le sinus est vu à la phase aiguë caractérisée par une inflammation (c’est-à-dire une infection), qui va aboutir à un abcès dont l'évacuation à travers une ulcération cutanée s'accompagne d'un écoulement puriforme et sanglant ; le drainage se fait non pas au niveau du sinus proprement dit mais à l'apex de l'abcès à quelques centimètres du sinus proprement dit (photo 2-3).
• La phase aiguë est parfois très peu marquée ou oubliée car ancienne. On est en présence d'un écoulement punctiforme modéré et intermittent. Le diagnostic de furoncle est parfois évoqué toujours à tort.
• Le diagnostic est corrigé par le déplissement soigneux du sillon interfessier et la visualisation de l'orifice du sinus pilonidal qui peut être entravé par une pilosité abondante (photo 4). Parfois la région revient à la normale et le diagnostic est seulement évoqué de façon rétrospective, mais avec une marge d'erreur plus importante.
• Le diagnostic différentiel est la fistule anale à développement postérieur. L'ambiguïté existe soit en face d'abcès très volumineux (photo 5), soit lorsque le sinus s'étend vers le bas, vers la pointe coccygienne. Mais, globalement, plus la distance entre la marge anale et l'abcès est grande (orifice de drainage au-dessus de la pointe coccygienne), plus il y a de fortes chances d'être face à un sinus.
• Quand le revêtement cutané est très remanié, infiltré par des nodosités millimétriques, on peut évoquer une maladie de Verneuil. La distinction est parfois difficile car des associations sont fréquentes. Les antécédents et la présence d'autres localisations vont aider au diagnostic, qui parfois ne peut être posé que sur l'histologie (photo 6).
• Le traitement de référence et définitif est basé exclusivement sur la chirurgie. Il comporte l'ablation des tissus infectés et du sinus, suivi de soins locaux. Comme il y a une infection il faut éviter les anti-inflammatoires non stéroïdiens à la phase aiguë. Il y a deux étapes : le traitement de l'abcès proprement dit, accessible à une simple incision qui soulage, faisable en consultation.
Puis il y a le traitement du sinus proprement dit par une chirurgie d'exérèse. Ses modalités ne sont pas parfaitement codifiées et dépendent de la taille et du terrain, mais aussi des contraintes sociales du patient. Les différentes stratégies développées (drainage de l'abcès préalable, traitements locaux) ont en commun l'objectif de réduire les phénomènes inflammatoires et infectieux afin de réduire la taille de l'excision nécessaire pour le traitement définitif du sinus.
Ce qu'il ne faut pas faire
> Il ne faut pas promettre une guérison rapide et définitive. Même si c'est le plus souvent le cas, les soins infirmiers sont souvent longs et d'une durée proportionnelle à la taille de l'excision (Photo 7 : aspect à 2 mois d'excision de sinus de grande taille récidivé). Des retards de cicatrisation sont possibles amenant la fermeture de la plaie au-delà de 2, voire 6 mois. Enfin, soit du fait d'une excision trop parcimonieuse, soit d'un défaut de soins, une récidive de la suppuration est possible conduisant à une reprise chirurgicale. Le taux de récidive varie selon les techniques et les séries de 4 à 20 %.
> Il ne faut pas proposer systématiquement une antibiothérapie comme « alternative » à la chirurgie. Les abcès doivent être drainés. Les traitements de l'abcès et du sinus peuvent parfois être effectués simultanément ; mais les conséquences pratiques sont parfois disproportionnées par rapport à l'enjeu médical. Il s'agit d'une affection bénigne sans risque.
Puisque cette maladie est sans risque et que l'abstention n'est pas létale, les antibiotiques peuvent être utilisés afin d'atténuer voire d'effacer les symptômes, le temps d'un voyage, d'un concours, d'un stage. Le patient doit simplement être informé qu'une récidive sera probable dans un délai aléatoire non prédictible.
> Il est inutile de donner un traitement local (pommade antibiotique ou antiseptique). La suppuration siège dans le derme et n'est pas accessible à une détersion superficielle. Enfin, outre la prise en charge septique, il faut donner des antalgiques non anti-inflammatoires tant que la suppuration n'est pas drainée.
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