Gynécologie

LE SYNDROME GÉNITO-URINAIRE

Publié le 01/06/2017
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Ce syndrome résulte de la chute des œstrogènes à la ménopause. Il est d’apparition progressive et chronique. Insuffisamment dépisté, il détériore la qualité de vie des patientes. Administrés localement, les œstrogènes sont efficaces.
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Crédit photo : GARO/PHANIE

En 2012, la North American Menopause Society (NAMS) et l’International Society for the Study of Women’s Sexual Health (ISSWSH) ont décidé de créer la nouvelle terminologie de syndrome génito-urinaire pour remplacer le terme d’atrophie vulvo-vaginale, jugé inadéquat et trop restrictif pour décrire les différents symptômes vulvaires, vaginaux et urinaires, en rapport avec le déficit estrogénique dû à la ménopause.

Ce syndrome est largement sous-estimé (environ 50 % des femmes) et augmente avec la durée de la ménopause. À l’heure où l’espérance de vie atteint 87 ans pour les femmes, il est essentiel d’améliorer la qualité de vie des patientes.

LA SYMPTOMATOLOGIE

Depuis la publication des résultats de l’étude Whi en 2002, la chute des prescriptions de traitements hormonaux substitutifs de la ménopause (THM) a été spectaculaire. Or les patientes ménopausées qui recevaient le thM se plaignaient moins d’atrophie vulvo-vaginale. Et contrairement au syndrome climatérique, qui a tendance à s’améliorer avec les années, l’atrophie vulvo-vaginale survient cliniquement 4 à 5 ans après l’installation de la ménopause

Les principaux symptômes ressentis par les patientes sont (voir figure 1) :

– sécheresse vaginale ;

– brûlures ;

– inconfort ;

– dyspareunie ;

– saignements après les rapports sexuels ;

– urgenturie ;

– infections urinaires à répétition.

 

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Sur le plan embryonnaire, l’urètre et le trigone vésical sont dérivés du même tissu, le sinus urogénital, riche en récepteurs en estrogènes ainsi que la vulve, le vestibule et le vagin. Ainsi, une patiente qui a des symptômes du bas appareil urinaire a beaucoup plus de risques de dyspareunie qu’une patiente indemne de ces symptômes.

► À l’examen clinique, on observe une sécheresse et une pâleur, une fragilité, une rougeur des muqueuses, des pétéchies, une sténose de l’orifice vaginal, voire une proéminence du méat urétral.

Il y a perte du tissu conjonctif avec :

– diminution du volume des grandes lèvres ;

– les petites lèvres qui peuvent complètement disparaître ;

– rétrécissement du vestibule ;

– rétrécissement du canal vaginal ;

► L’impact négatif du syndrome génito-urinaire est important. Dans 50 % des cas, il perturbe la vie sexuelle. Dans plus de 25 % des cas, il impacte la vie de tous les jours. Pourtant, dans 50 % des cas, le sujet n’a jamais été abordé avec un médecin. Dans 40 % des cas, c’est la patiente qui a abordé le sujet.

LES PRINCIPES THÉRAPEUTIQUES

Les principes du traitement reposent sur la restauration de la flore vaginale physiologique et l’amélioration des symptômes du syndrome génito-urinaire.

Les hydratants vaginaux

Ils ont une efficacité parfois satisfaisante, avec peu de risques. Mais les compositions sont très diverses, en général à base d’eau et de substances hydrophiles (acide hyaluronique). Ils apportent hydratation, élasticité vaginale et rétablissent un pH préménopausique.

En revanche, il n’y a aucune étude ayant un recul de plus de 3 mois et pas de données de tolérance à long terme.

Les lubrifiants vaginaux

Ils sont utiles lors des rapports sexuels. Ils n’ont aucun effet démontré à long terme.
On peut retrouver des substances irritantes ou allergisantes : propylène glycol, conservateurs, parabens, aloe vera. à noter que les lubrifiants gras fragilisent le latex. Et, chez les femmes utilisant la vaseline comme lubrifiant, la vaginose bactérienne est plus fréquente.

Le traitement hormonal de la ménopauseIl n’est pas toujours souhaité par les patientes et il est parfois contre-indiqué. Par ailleurs, son effet est inconstant sur le syndrome génito-urinaire, et il faut parfois des doses élevées pour obtenir un effet équivalent au niveau vaginal. La voie vaginale a une efficacité supérieure.
 

E1. LES ŒSTROGÈNES LOCAUX DISPONIBLES

Colpotrophine® ovules : promestriène 10 mg/ovule 
Estring® anneau vaginal : estradiol 2 mg 
Gydrelle® crème vaginale à 0,1 %: estriol 30 mg/30 g
Physiogyne® crème vaginale à 0,1 %: estriol 15 mg/15 g 
Physiogyne® ovules vaginaux : estriol 0,5 mg/ovule
Trophicrème® crème vaginale à 0,1 % : estriol 30 mg/30 g
Trophigil® gélules vaginales : bacille de
Döderlein, estriol (0,2 mg) et progestérone (2 mg)
Florgynal® gélules vaginales : bacille de
Döderlein, estriol (0,2 mg) et progestérone (2 mg)

Les œstrogènes locaux

Ils sont les seuls à permettre une imprégnation œstrogénique suffisante pour inverser l’atrophie vulvo-vaginale et ses symptômes, en évitant les effets généraux. Le traitement doit être précoce avant que les anomalies d’atrophie deviennent irréversibles et doit être poursuivi longtemps car la pathologie est chronique.

Trois molécules sont actuellement à disposition : la promestriène, l’estradiol et l’estriol. Elles sont disponibles sous forme de monoproduit ou associant estriol, progestérone et lactobacilles. Les formes galéniques disponibles sont des ovules vaginaux, des gélules vaginales, des crèmes vaginales ou un anneau vaginal. L’efficacité est équivalente pour toutes les formes (études contrôlées, randomisées) (voir encadré E1).

Les principaux effets indésirables rapportés par les patientes sont des pertes vaginales (2,7 %), des érythèmes (0,8 %), des métrorragies (0,6 %), des démangeaisons (0,5 %), des œdèmes labiaux (0,3 %) et des douleurs mammaires sont parfois décrites.

► Une vaste Cochrane publiée en 2006 et reprise en 2014 (19 études retenues sur 37 ; 4 162 femmes) a eu pour objectif de comparer l’efficacité, la sûreté, l’acceptabilité de différentes préparations estrogéniques locales dans l'atrophie vulvo-vaginale. Les résultats ne montrent pas de différences d’efficacité sur le syndrome génito-urinaire en fonction de la forme galénique : crème, ovules, anneau.

Il y a une amélioration significative des symptômes par rapport au placebo ou aux gels non hormonaux. En termes d’acceptabilité, il y a des meilleurs scores avec l’anneau vaginal. Ces études montrent aussi l’intérêt de prescrire des faibles doses d’estrogènes.

► Plusieurs questions restent non résolues : à quel rythme prescrire les œstrogènes locaux (OL) ? Pendant combien de temps ? Y a-t-il vraiment des contre-indications ? En pratique et d’après les études, on remarque qu’il n’y a pas vraiment de consensus et que chacun fait à sa manière.

Les recommandations anglaises du Nice préconisent de les administrer aussi longtemps que la patiente en ressent le besoin.

► Concernant les symptômes urinaires (urgenturie, infections urinaires, etc.), il n’existe pas à ce jour de preuves de grade suffisamment important pour recommander les OL en tant que traitement de référence de ces symptômes qui doivent être aussi pris en charge indépendamment. Pour autant, les OL sont largement prescrits dans ces indications avec des résultats cliniques souvent satisfaisants.

► À ce jour, aucune étude de sécurité contrôlée et randomisée n’a évalué les effets des OL sur le risque de cancer du sein. Chez les patientes ne présentant pas d’antécédent de cancer du sein, on peut prescrire sans surveillance particulière, puisque la diffusion systémique est extrêmement limitée. Il n’existe aucune donnée suggérant une augmentation du risque de récidive d’un cancer du sein avec les estrogènes vaginaux mais il n’y en a pas non plus pour attester leur innocuité et ceux-ci restent contre-indiqués par l’ensemble des cancérologues. Une discussion en concertation pluridisciplinaire peut se justifier.

Les techniques physiques

► Le laser CO2 fractionné pourrait remodeler le tissu conjonctif vaginal et augmenter le stockage en glycogène dans l’épithélium. Des études sont en cours pour démontrer l’efficacité sur l’atrophie vulvo-vaginale et certains symptômes de pesanteur pelvienne sans prolapsus avéré. Les résultats sont prometteurs.

► Les injections d’acide hyaluronique au niveau de la fourchette vulvaire sont parfois proposées pour traiter les vestibulites et les dyspareunies.L’efficacité de cette technique n’est pas encore évaluée.

► Certaines équipes, notamment italiennes, utilisent les LED. Aucun résultat ne permet aujourd’hui de proposer cette technique.

Bibliographie

1-Echallier V. Le syndrome génito-urinaire. INFOGYN. 5-7 octobre 2016. Palais Beaumont, Pau.  
2-Constantine GD et al. Incidence of genitourinary conditions in women with a diagnosis of vulvar/vaginal atrophie. Curr Med Res Opin Rev 2014;30(1):143-8 .
3-Freedman MA. Perceptions of dyspareunia in postmenopausal women with vulvar and vaginal atrophy: findings from the REVIVE survey. Womens Health (Lond). 2014 Jul;10(4):445-54. doi: 10.2217/whe.14.29.
4-Suckling J, Lethaby A, Kennedy R. Local oestrogen for vaginal atrophy in postmenopausal women. Cochrane Database Syst Rev. 2006 Oct 18;(4):CD001500. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/17054136
5-Menopause: diagnosis and management NICE guideline [NG23]. Published date: November 2015. https://www.nice.org.uk/guidance/ng23

 

Dr Véronique Echallier (gynécologue, centre hospitalier Lyon sud, membre du GEMVI (groupe d’étude sur la ménopause et le vieillissement hormonal)

Source : lequotidiendumedecin.fr