Nous voyons en urgence Marc, 52 ans, pour des douleurs abdominales paroxystiques très importantes et non systématisées de tout le cadre colique, des diarrhées très fréquentes, une polydipsie et des vomissements importants.
Il vient de Paris et, souhaitant vivre en communion avec la nature, il s'est installé dans un lieu assez reculé pour gérer une association écologiste.
À l’issue d’une sortie effectuée la veille de notre consultation, il a partagé un repas avec des amis et a voulu montrer l’intérêt de consommer certaines russules (sa préférée étant celle qu’il déguste régulièrement : la russule verdâtre). En fait, Marc est inquiet car il craint d'avoir fait une erreur lors de la détermination des champignons cueillis. L’examen de spécimens conservés a montré qu’il s’agissait d’amanites phalloïdes.
La symptomatologie de Marc est en rapport avec un syndrome phalloïdien.
Un transfert rapide vers une unité de réanimation est effectué. Au cours de cette hospitalisation, il est mis en évidence une cytolyse hépatique avec une élévation des transaminases – TGO à 912 UI/L (N entre 8 et 30), TGP à 1 109 UI/L (N entre 8 et 31) – et une thrombopénie à 127 000 plaquettes/mm3 (N entre 150 000 et 450 000).
Compte tenu de la dégradation de l’état clinique du patient, ce dernier est transféré vers le centre de référence régional des transplantations hépatiques afin de prévoir une greffe hépatique.
INTRODUCTION
Ce syndrome est dû à l’amanite phalloïde dans la très grande majorité des cas. Cependant, d’autres espèces de champignons peuvent être responsables de ce tableau : la galérine marginée, certaines espèces de lépiotes.
Aussi, avant de consommer ce champignon qui peut être confondu avec des espèces comestibles comme les amanites printanières, les rosés-des-prés, certains agarics, il est important de connaître les caractéristiques de l’amanite phalloïde.
Le chapeau est souvent de couleur verdâtre, dans certains cas pâle. On observe un anneau assez important sur le pied à proximité du chapeau. Le pied se termine par une sorte de bulbe (élément vestigial de la forme en œuf de la forme jeune) qui est en fait la volve dont la couleur varie du blanc au vert (cliché 1). La volve et l’anneau sont souvent les éléments qui permettent de rapidement identifier ces variétés d’amanite, éléments qui sont parfois absents car dévorés par les limaces. On observe cette variété d’amanite dans les bois de feuillus où nous retrouvons des hêtres et des chênes.
ORIGINE DE LA TOXICITÉ
Une toxine (alpha-amanitine) est à l’origine de la toxicité qui agit au niveau de l’ARN polymérase en effectuant un blocage protéique qui conduit à des dysfonctions rénales et digestives.
D’autres toxines, comme les phallotoxines ou phallolysines, sont également impliquées dans ce syndrome.
La consommation d’une seule amanite peut conduire à l’apparition de ce syndrome qui est à l’origine du décès du patient intoxiqué dans environ 17 % des cas.
SYMPTOMATOLOGIE
Le syndrome phalloïdien survient après une latence de plus de 6 heures.
Par la suite, l’intoxication se déroule en trois phases :
La phase d’agression ou digestive, qui survient entre 8 et 12 heures après l’ingestion. Surviennent des vomissements et des diarrhées profuses (elles s’apparentent à un syndrome cholériforme). Ces manifestations cliniques conduisent à une déshydratation et une insuffisance rénale fonctionnelle.
La phase de rémission apparente, qui survient entre la 36e heure et le 3e jour avec le développement à bas bruit d’une hépatite cytolytique.
La phase hépatorénale, qui se caractérise par une atteinte hépatique (insuffisance hépatocellulaire importante avec une encéphalopathie hépatique) mais aussi une insuffisance rénale aiguë, des troubles de la coagulation parfois responsables d’hémorragies digestives…
PRISE EN CHARGE
Elle repose avant tout sur l’hospitalisation car il n’existe pas d’antidote ni de traitement spécifique pour la prise en charge de ce syndrome. Un rééquilibrage hydroélectrolytique est effectué et certaines thérapeutiques sont administrées (N-acétylcystéine, silibinine) pour réduire la gravité de cette intoxication hépatique.
Cependant, dès lors qu’une aggravation de la cytolyse hépatique est observée, une transplantation peut être nécessaire.
Dr Pierre Francès (médecin généraliste à Banyuls-sur-Mer), Laurent Francès (pharmacien à Monclar du Quercy), Thibaut Mosset (interne en médecine générale à Montpellier), Marie Latypov (externe à Montpellier)
BIBLIOGRAPHIE
1. Silar P, Malagnac F. Les champignons redécouverts. Ed. Belin 2013.
2. Courtecuisse R, Duhem B. Guide des champignons de France et d’Europe. Ed. Delachaux et Niestlé 2013.
3. Saviuc P, Flesch F.
Intoxications aiguës par les champignons supérieurs et leur traitement. Presse Médicale 2003 ; 32 : 1427-1435.
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