Nous voyons Guy, 63 ans, en vacances dans le sud de la France pour d'importantes douleurs rectales depuis plus d’un mois. Il nous explique avoir un trouble du transit récent (moins de trois semaines).Ce patient homosexuel vient d’apprendre sa séropositivité au VIH. Il va devoir être traité par des antirétroviraux du fait d’un taux de CD4 faible (72 cellules/mm3).
Compte tenu de ces éléments, nous avons effectué un examen de la région rectale, siège d’ulcérations suintantes débordant de la marge anale (photo ci-dessus, flèche verte). Un prélèvement effectué au niveau de ces ulcérations permet d’objectiver la présence d’herpès simplex virus de type 2 (HSV2).
LES LÉSIONS ANALES HERPÉTIQUES
Ce virus est la première cause d’ulcération génitale dans les pays développés. Dans plus de 80 % des cas il s’agit de HSV2, dont les récurrences sont 10 fois plus fréquentes que HSV1.
Cette virose rectale se rencontre le plus souvent chez les sujets homosexuels mâles.
La prévalence de cette co-infection HSV2-VIH est comprise entre 30 et 80 % au sein de ces populations.
→ Cliniquement, après une incubation de sept jours, les manifestations se caractérisent par des douleurs au niveau de la région périanale ou rectale basse (le plus souvent dans les derniers centimètres). Dans près de 25 % des cas, on voit s’associer des paresthésies sacrées.
Les lésions évoluent. Les vésicules deviennent des ulcérations, souvent nombreuses, polycycliques et rapidement coalescentes. Des signes généraux sont souvent associés : hyperthermie, asthénie, myalgies.
En parallèle on retrouve des adénopathies au niveau inguinal.
Dans près de 75 % des cas, un trouble du transit est également objectivé. Des problèmes mictionnels peuvent aussi être associés à ce tableau clinique : dysurie ou rétention urinaire.
→ Le diagnostic est avant tout clinique. Cependant, il est possible d’effectuer une recherche virale par le biais d’une sérologie (ELISA ou immunofluorescence), d’une culture virale, de tests immuno-enzymatiques et par la PCR.
Lors de prélèvements (ils doivent être effectués sur des lésions jeunes), il est possible de mettre en évidence le caractère pathogène du virus ; cela à la suite d’une coloration de Tzanck ou de Papanicolaou.
En ce qui concerne la sérologie, elle ne présente d’intérêt que dans le cas d’une primo-infection (observation de la séroconversion à trois semaines d’intervalle).
→ Le traitement repose sur l’administration de valaciclovir à 500 mg (2 g/j durant 7 jours) ou d’aciclovir à 200 mg (1 g/j durant 10 jours). Ce traitement peut être utilisé de manière continue en préventif (aciclovir 2 cp/j ou valaciclovir 1 cp/j) en cas de récurrences fréquentes.
Si l’immunodépression est sévère, il est nécessaire de recourir au foscarnet en perfusion, dispensé en milieu hospitalier.
LA SYPHILIS
Cette affection est en constante augmentation depuis les années 2000. Les sujets atteints sont dans 84 % des cas des homosexuels masculins, et une co-infection avec le VIH est retrouvée dans 50 % des cas.
→ Cliniquement, la syphilis peut donner des ulcérations rectales dans deux cas :
– Le chancre syphilitique (syphilis primaire). Il survient dans les 45 jours après une contamination. Il s’agit le plus souvent d’une ulcération propre, indolore et indurée. Dans certains cas, il peut s’agir d’une fissuration ou de lésions bourgeonnantes. Il existe en parallèle une adénopathie inguinale.
– Les syphilides érosives (syphilis secondaire) qui s’observent trois semaines après le chancre. Ce sont des macules périanales de couleur blanche et toujours indolores.
→ Le diagnostic est souvent basé sur la sérologie : TPHA (Treponema Pallidum Hemagglutination Assay) et VDRL (Venereal Disease Research Laboratory). La recherche de Treponema pallidum au microscope sur fond noir est souvent peu contributive (difficulté d’effectuer un prélèvement de qualité, et négativité fréquente si l’atteinte est buccale). Cependant, cet examen direct est parfois utile chez les patients ayant une co-infection VIH. En effet, pour ces derniers il est fréquent que les tests sérologiques soient faussement négatifs.
→ Le traitement repose sur la pénicilline G en monodose, injection de 2,4 MUI si le patient présente un chancre. Il est renouvelé au bout de sept jours dans le cas d’une syphilis secondaire.
À défaut ou en cas d'allergie aux pénicillines, on le remplace par de la doxycycline (100 mg x 2/j pendant 15 jours).
Bibliographie
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