L’asthme est une maladie inflammatoire chronique des voies aériennes qui se caractérise par des symptômes de brève durée, et des exacerbations potentiellement graves. Sa prévalence concerne 10 % des enfants et 6,7 % des adultes (1).
Bien que la mortalité ait diminué avec en 2015 853 décès par an, les exacerbations d’asthme représentent une cause fréquente d’hospitalisations – 50 000 chaque année (2).
► La conception de l’asthme a changé. On sait que c'est une maladie hétérogène, avec des phénotypes particuliers, surtout pour l’asthme sévère défini par la présence d’un asthme non contrôlé malgré un traitement de palier 4-5. Si on envisage une escalade thérapeutique, c’est donc que le patient présente un asthme partiellement ou non contrôlé. Ainsi, la question est de savoir s’il pourrait s’agir d’un asthme sévère.
ÉTAT DES LIEUX
► Environ 50 % des patients asthmatiques gardent un asthme non contrôlé, et 62 % ont bénéficié d’une spirométrie au cours de leur vie, ce qui est une nette amélioration par rapport à 2006 (3), où seulement 12 % des asthmatiques avaient bénéficié d’une spirométrie (1).
► Il existe un écart considérable entre le contrôle de l’asthme perçu par le patient et le contrôle évalué par le médecin selon les recommandations.
L’étude Realise, effectuée dans plusieurs pays européens dont la France, a montré que 89 % des patients asthmatiques adeptes des réseaux sociaux estimaient leur asthme contrôlé alors que c'était en effet le cas pour seulement 17 % d'entre eux. 35 % avaient un asthme partiellement contrôlé et 48 % une forme non contrôlée, selon leurs réponses aux questionnaires de contrôle (4).
COMMENT ÉVALUER LE CONTROLE DE L’ASTHME ?
► Le contrôle de l’asthme s’évalue sur la fréquence de survenue des évènements récents entre deux consultations (symptômes de brève durée et exacerbations). Il est donc important d’évaluer le contrôle au cours des quatre dernières semaines en interrogeant le patient sur (5) :
• La fréquence des symptômes diurnes (toux, dyspnée, sifflements, oppression thoracique)
• La fréquence des symptômes entraînant des réveils nocturnes
• La consommation de traitements de secours (bronchodilatateurs de courte durée d’action)
• La fréquence des exacerbations nécessitant une corticothérapie générale
• Le retentissement sur les activités quotidiennes
• La mesure de la fonction respiratoire (VEMS, ou DEP), en sachant que le VEMS est nettement supérieur au DEP.
Ces 6 questions représentent les critères minimaux nécessaires à l'évaluation du contrôle. Il faut les intégrer dans l’interrogatoire ou à l'occasion d'auto-questionnaires de contrôle (ACQ, ACT). Il n’existe aucune supériorité d’un questionnaire de contrôle par rapport à l’autre.
► Bien que non spécifique, la recherche attentive des symptômes de brève durée est plus discriminante que la question posée au patient : comment va votre asthme ?
► L’évaluation du contrôle est basée sur l’analyse conjointe des symptômes cliniques et une mesure de la fonction respiratoire. Le VEMS est une mesure validée de l’obstruction bronchique. La mesure régulière du VEMS permet de réévaluer de façon régulière le diagnostic d’asthme. Chez un patient non contrôlé, une mesure régulière de la fonction respiratoire tous les trois mois, jusqu’à obtention du contrôle acceptable, est recommandée (5). La mesure seule du DEP au cours du suivi ne suffit pas au diagnostic de trouble ventilatoire obstructif.
Cependant, le DEP associé à un plan d’action est utile au suivi des patients percevant mal leurs symptômes.
COMMENT TRAITER LA SURVENUE D’UNE EXACERBATION ?
► La perte de contrôle peut également se manifester par la survenue d’exacerbations, définies par une majoration des symptômes respiratoires habituels (dyspnée d’effort, apparition ou modification d’une toux, majoration de l’expectoration, réveils nocturnes, oppression thoracique entraînant une augmentation des bronchodilatateurs de courte durée d’action) et de l’obstruction bronchique de plus de 48 heures. Elles nécessitent un recours inopiné aux soins avec modification du traitement (5).
► Devant une exacerbation, il importe de rechercher les signes de gravité :
– Gravité extrême : troubles de la conscience, pause respiratoire, collapsus, silence auscultatoire.
– Signes de détresse respiratoire aiguë (un seul suffit) :
• Gêne à la parole ou à la toux
• Orthopnée, polypnée > 30/min
• Tachycardie > 120/min
• Sueurs
• Cyanose
• Agitation
• SpO2 < 90 %
• DEP < 150 l/min ou < 50 % de la valeur habituelle
• Normo ou hypercapnie sur les gaz du sang (si réalisés)
► En cas de symptômes ne cédant pas sous les bronchodilatateurs de courte durée d’action, une mesure du DEP < 150 l/mn ou inférieure à 50 % de la valeur habituelle indique une consultation médicale en urgence.
En cas de critères de gravité, il convient de transférer le patient le plus rapidement possible par un transport médicalisé dans un centre prenant en charge les urgences, tout en administrant des bronchodilatateurs de courte durée d’action et une corticothérapie par voie générale.
Le traitement de l’exacerbation repose sur l’administration de B2-mimétiques de courte durée d’action et l’introduction précoce d’une corticothérapie systémique (40 mg à 50 mg/j durant 5 à 7 jours). L’antibiothérapie n’est pas systématique en l’absence de contexte clinique évocateur (fièvre, purulence de l’expectoration) (5).
Tout patient asthmatique ayant des exacerbations répétées (> 2/an) doit être adressé en consultation spécialisée (pneumo-pédiatre ou pneumologue) afin d’éliminer les diagnostics différentiels.
► Il est également important de prendre en compte la fréquence des exacerbations auto-gérées par le patient.
AVANT D’AUGMENTER LE TRAITEMENT
Que faire devant un asthme non contrôlé avant d’augmenter la pression thérapeutique ?
Un asthme partiellement ou non contrôlé doit faire rechercher les facteurs responsables de cette perte de contrôle :
• Les erreurs liées à la technique d’inhalation
• L’absence ou l’interruption d’un traitement de fond par corticoïde inhalé
• Les infections virales ou bactériennes
• Les prises de médicaments : aspirine, β-bloquants (y penser y compris sous forme de collyre +)
• Exposition allergénique (pollens, acariens, moisissures)
• Environnement professionnel
• Pollution domestique (tabagisme actif ou passif, consommation de cannabis)
• Pollution atmosphérique
• Facteurs psychologiques, dont le stress
• Facteurs hormonaux (asthme prémenstruel, grossesse, ménopause)
► Parmi les erreurs non dépendantes du dispositif d’inhalation fréquemment retrouvées (6) en soins primaires, 47 % des patients n’expirent pas avant l’inhalation et ne maintiennent pas l’apnée quelques secondes après l’inhalation.
IDENTIFIER LES PATIENTS À RISQUE DE DÉCÈS PAR ASTHME
• Mauvais contrôle des symptômes dans les 12 mois précédents (hospitalisation, visite aux urgences ou recours à des cures courtes de corticoïdes oraux dans les 12 mois précédents)
• Antécédents d’asthme aigu grave avec séjour en réa, ou intubation avec ventilation mécanique
• Absence de traitement de fond par CSI, mauvaise observance de celui-ci ou mauvaise adhérence au plan d’action
• Usage fréquent des β2-mimétiques de courte durée d’action avec utilisation de plus d’une boîte de salbutamol ou équivalent par mois
• Existence d’une allergie alimentaire associée.
SAVOIR REMETTRE EN CAUSE LE DIAGNOSTIC D’ASTHME
Tout ce qui siffle n’est pas forcément de l’asthme. Savoir remettre en cause un tel diagnostic est important, surtout en cas de mauvaise réponse au traitement de fond et/ou de la crise. Un travail canadien récent publié dans le JAMA (7) a montré que parmi des patients considérés comme asthmatiques adressés à l’hôpital pour bilan d’asthme sévère, après test fonctionnel parfois en condition démaquillée (réversibilité, test à la métacholine à la recherche d’une hyperréactivité bronchique), environ 33 % n’avaient pas d’asthme alors qu’ils étaient traités depuis plusieurs années pour cette pathologie.
La question du diagnostic différentiel est alors centrale : pneumopathie infiltrante diffuse, BPCO, syndrome d’hyperventilation, dysfonction des cordes vocales, pathologie cardiaque.
BILAN DES COMORDITÉS
Le bilan des comorbidités est essentiel, dont celles induites par la corticothérapie générale. Si le diagnostic d’asthme est certain et qu’il est mal contrôlé, il faut rechercher les comorbidités pouvant être associées à l’asthme et dont le traitement pourrait améliorer le contrôle : la rhinosinusite chronique, le reflux gastro-oesophagien, le syndrome d’hyperventilation, la dysfonction des cordes vocales, l’obésité ou le syndrome d’apnée du sommeil.
Chez les patients ayant des exacerbations fréquentes nécessitant une corticothérapie générale (au long cours ou avec des cures répétées), un bilan à la recherche des complications (osseuses – ostéoporose –, oculaires, cardiaques, obésité) devra notamment être envisagé ; les patients asthmatiques sévères ont en moyenne plus de trois comorbidités cortico-induites (8).
Le calcul de la dose cumulée de corticothérapie reçue par voie générale permet de calculer un équivalent quotidien de corticothérapie orale, en cas de cures courtes répétées.
PRISE EN CHARGE THÉRAPEUTIQUE
► La prise en charge repose sur l’éducation thérapeutique, l’évaluation de l’observance, la bonne utilisation des dispositions d’inhalation et l’éviction des facteurs environnementaux (éviction allergénique domestique ou professionnelle, le sevrage tabagique). L’activité physique et la réhabilitation respiratoire font également partie de la prise en charge. Enfin, l’éviction allergénique peut être optimisée grâce à l’intervention d’une conseillère médicale en environnement (diagnostic environnemental et conseils personnalisés à domicile) qui intervient sur prescription médicale après accord du patient.
► Il importe donc de réévaluer le contrôle de l’asthme pour adapter le traitement (5, 9). Après chaque modification thérapeutique, une nouvelle réévaluation du contrôle de l’asthme doit être réalisée afin de savoir si les objectifs initiaux ont été atteints. Les patients ayant un asthme mal contrôlé malgré un traitement de palier 4 (doses fortes de CSI et B2LDA) peuvent bénéficier, en fonction du bilan réalisé chez le spécialiste et de leur phénotype clinique, d’une biothérapie à visée d'épargne cortisonique permettant d’améliorer le contrôle de la maladie et de diminuer les exacerbations.
Il n’y a aucune indication de mise sous corticothérapie générale au long cours en traitement de fond sans avis spécialisé.
CONCLUSIONS
La prise en charge de l’asthme nécessite un diagnostic de certitude avec une mesure de la spirométrie, et repose sur l’évaluation du contrôle de la maladie chronique. Chez un patient asthmatique non contrôlé, il est fortement recommandé de vérifier le diagnostic d’asthme. Les formes non contrôlées malgré un traitement maximal (palier 4-5) doivent faire l’objet d’un recours spécialisé car ayant potentiellement un asthme sévère.
Bibliographie
1- Raherison-Semjen C, Izadifar A, Russier M, Rolland C, Aubert JP, Sellami R, Leynaud D, Fabry-Vendrand C, Didier A. Asthma prevalence and management in adults in France in 2018: ASTHMAPOP survey. The European respiratory journal. 2018;52OA292.
2- Fuhrman C, Nicolau J, Rey G, Solet J, Quénel P, Jougla E, et al. Asthme et BPCO : taux d’hospitalisation et de mortalité dans les départements d’Outre-mer et en France métropolitaine, 2005-2007. Bull Epidemiol Hebd 2011;13-14:168-72.
3- Afrite A, Allonier C, Com-Ruelle L, Leguen N. L’asthme en France en 2006 : prévalence, contrôle et déterminants. Institut de recherche et documentation en économie de la santé ; 2011. Contract No.: Rapport n° 549 (biblio n° 1820).
4- Raherison C, Mayran P, Jeziorski A, Deccache A, Didier A. [Patients with asthma: Disease control, patients' perceptions and observance. Results of the French REALISE survey]. Rev Mal Respir. 2017;34(1):19-28.
5- Raherison C, Bourdin A, Bonniaud P, Deslee G, Garcia G, Leroyer C, et al. Updated guidelines (2015) for management and monitoring of adult and adolescent asthmatic patients (from 12 years and older) of the Societe de Pneumologie de Langue Francaise (SPLF) (Full length text). Rev Mal Respir. 2016;33(4):279-325.
6- Molimard M, Raherison C, Lignot S, Depont F, Abouelfath A, Moore N. Assessment of handling of inhaler devices in real life: an observational study in 3811 patients in primary care. Journal of aerosol medicine : the official journal of the International Society for Aerosols in Medicine. 2003;16(3):249-54.
7- Aaron SD, Vandemheen KL, FitzGerald JM, Ainslie M, Gupta S, Lemiere C, et al. Reevaluation of Diagnosis in Adults With Physician-Diagnosed Asthma. JAMA. 2017;317(3):269-79.
8- Sweeney J, Patterson CC, Menzies-Gow A, Niven RM, Mansur AH, Bucknall C, et al. Comorbidity in severe asthma requiring systemic corticosteroid therapy: cross-sectional data from the Optimum Patient Care Research Database and the British Thoracic Difficult Asthma Registry. Thorax. 2016;71(4):339-46. Global Strategy for Asthma Management and Prevention, Revised 2018; www.ginasthma.org: 2018 Global Initiative for Asthma.
Liens d'intérêts
Activités d’expertise, Boards, congrès auprès des laboratoires Astra Zeneca, Novartis, Chiesi, Boehringer Ingelheim, GSK, TEVA, Intermune, ALK, MundiPharma, Zambon.
Abréviations
VEMS : volume expiratoire maximal seconde
DEP : débit expiratoire de pointe
EFR : épreuves fonctionnelles respiratoires
CSI : corticostéroïdes inhalés
B2CDA : bronchodilatateurs de courte durée d’action
B2LDA : bronchodilatateurs de longue durée d’action
Points-clés
Importance de la certitude diagnostique de l’asthme (EFR)
évaluation du patient asthmatique en3 étapes :
– évaluer le contrôle sur les 4 dernières semaines
– évaluer l’observance et la prise du traitement inhalé
– évaluer les facteurs de risque et les comorbidités
Un avis spécialisé auprès d’un pneumologue ou d’un pneumo-pédiatre est fortement recommandé :
– devant un asthme mal contrôlé après 3-6 mois de traitement, surtout de palier 4 (association fixe)
– en cas de doute diagnostique
– présence de symptômes d’asthme sévère
– si exacerbations répétées ≥ 2/an.
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