Gabriel signale depuis quelques semaines un trouble du sommeil, une dysphagie, une dyspepsie et une asthénie. à l’interrogatoire, les troubles allégués par ce patient semblent être en relation avec une anxiété secondaire à des rapports sexuels, le plus souvent non protégés, avec de nombreux partenaires (hommes et femmes). L’examen retrouve une éruption maculo-papuleuse du tronc non prurigineuse négligée par le patient (photo 1). Un bilan biologique complet est effectué avec une recherche d’IST. Il objective une hépatite mixte (cytolyse et cholestase) avec des GGT à 709 UI/L ; phosphates alcalines à 210 UI/L ; TGO à 109 UI/L, et TGP à 205 UI/L. La sérologie syphilitique est positive avec un VDRL à 1/32 (N si inférieur à 1/16), TPHA ou à 1/160 (N si inférieur à 1/80). Le diagnostic d’hépatite due à une syphilis secondaire est posé.
La syphilis est une IST d’évolution chronique qui se caractérise par trois stades :
→ La syphilis primaire apparaît après une incubation de trois semaines et se caractérise par un chancre au niveau génital, anal ou pharyngé. Une adénopathie de grande taille accompagne parfois cette lésion.
→ La syphilis secondaire fait suite à une diffusion bactérienne par voie hématogène. Elle est caractérisée avant tout par un tropisme cutané avec deux floraisons.
• La 1re floraison survient quelques semaines après le chancre (cas de notre patient). C’est un exanthème roséoliforme qui prédomine sur le tronc, avec des macules de 3 à 10 mm roses, sans prurit, et séparées par des intervalles de peau saine.
• La 2nde floraison est constituée de syphilides cutanées papulo-squameuses, rarement prurigineuses avec une topographie prédominante au visage et au tronc et une atteinte palmo-plantaire (30 % des cas) évocatrice. En périphérie, on observe une collerette desquamative (la collerette de Biett).
• L’hépatite aiguë syphilitique, une des formes rares de syphilis secondaire, retrouvée entre 8 et 14 % des cas, est exceptionnellement révélatrice de la maladie. Sa physiopathologie serait probablement en lien avec une dissémination des tréponèmes via la circulation portale. Cette dissémination serait favorisée par l’existence d’une atteinte infectieuse anorectale, ce qui explique sa plus grande incidence chez les patients homosexuels.
→ La syphilis tertiaire (10 % des cas) survient après une latence de quelques mois ou années. On observe alors des granulomes ou « gommes » épithélioïdes et gigantocellulaires, réactionnels au tréponème. On peut objectiver des atteintes neurologiques, vasculaires, hépatiques, rénales et osseuses.
CARACTÉRISTIQUES CLINIQUES
Les signes cliniques associent une hépatomégalie douloureuse, une splénomégalie et des signes généraux (hyperthermie, asthénie, anorexie). L’ictère est plus rare.
On retrouve de manière concomitante des manifestations cutanées : éruption maculo-papuleuse au niveau du tronc ou au niveau palmo-plantaire, et des ulcérations labiales.
LA BIOLOGIE
→ La cholestase est presque constante (phosphatases alcalines augmentées), avec parfois une hyperbilirubinémie responsable d’un ictère, liée à une inflammation autour des voies biliaires. L’élévation des phosphates alcalines est souvent importante, et reste secondaire à une inflammation des canalicules biliaires. Au niveau histologique, les lésions anatomopathologiques sont non spécifiques.
→ Un syndrome inflammatoire biologique accompagne le tableau.
→ La positivité de la sérologie syphilitique permet d’affirmer le diagnostic de syphilis.
LE TRAITEMENT
→ Il repose sur l’antibiothérapie, par injection unique de Pénicilline G forme retard (Benzathine-pénicilline G) 2,4 millions d’unités par voie intramusculaire. L’alternative, notamment dans les cas d’allergie, est la doxycycline 200 mg / jour pendant 14 jours.
→ Dans la plupart des cas, l’évolution est favorable, mais il faut toujours craindre l’hépatite fulminante pouvant nécessiter une transplantation hépatique. Une recherche d’autres IST est impérative, et un traitement du ou des partenaires recommandé.
→ Le suivi biologique comprend le dosage du VDRL à M3, M6, M12 et M24. Le taux doit être divisé par 4 entre 3 et 6 mois (négatif à 1 an et à 2 ans). En cas de réascension des marqueurs biologiques, il faut évoquer une réinfection.
Critères pour le diagnostic d'hépatite aiguë syphilitique*
• Taux d'enzymes hépatiques anormaux indiquant une atteinte hépatique
• Preuve sérologique de la syphilis, avec un titre positif TPHA en conjonction avec une présentation clinique aiguë compatible avec une syphilis secondaire.
des autres causes de lésions hépatiques, telles que l'hépatite virale aiguë, l'utilisation de médicaments, le cancer ou une infection opportuniste.
• Amélioration du taux des enzymes hépatiques après thérapie antimicrobienne appropriée.
*Mullick. Clin Infect Dis. 2004
Bibliographie
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