Fin juin, le Dr Eric Regenermel fermera définitivement son cabinet pour partir à la retraite à l’âge de 63 ans. Installé depuis 35 ans à Groix, maire pendant 13 années, il était le dernier des trois généralistes historiques encore en exercice sur l’île. Il raconte sa passion pour une médecine de terrain, son attachement à sa patientèle groisillonne, et son amour de la mer.
Comment devient-on médecin à l’île de Groix ?
J’ai toujours eu la passion de la mer. Alors quand j’ai eu l’opportunité de faire un remplacement sur l’île de Groix, il y a plus de 35 ans, je n’ai pas hésité. Rapidement, la mayonnaise a pris. J’ai accroché avec la patientèle. Le médecin qui était en place souhaitait partir à la retraite. Il m’a proposé de prendre la relève. Avec deux confrères déjà installés et qui souhaitaient se regrouper, nous avons créé une maison médicale. À l’époque, c’était un projet précurseur.
Qu’est-ce qui vous a séduit dans la pratique de la médecine à Groix ?
C’est une médecine complète, très variée. On est amené à faire un peu de chirurgie, chose que l’on ne fait plus en ville. On fait beaucoup de couture ! Les occasions ne sont pas rares… sur un chantier, en bricolant ou tout simplement en chutant sur des rochers un peu coupants. Lorsque ça arrive, on ne peut pas systématiquement envoyer les gens aux urgences par canot [30 minutes pour rejoindre l’hôpital de Lorient, NDLR] ou par hélicoptère. Alors, on se débrouille seul. Mais j’ai toujours bien aimé ça. S’il y a une réanimation à faire, on a toujours le matériel nécessaire, en attendant que le SMUR arrive.
Mais ce n’est pas la seule chose qui m’a attiré. Il y a aussi les patients que l’on suit sur la durée. Ce qui est intéressant également dans une zone touristique, c’est qu’on a une patientèle estivale qu’on n’a pas l’habitude de suivre. On se retrouve avec des pathologies très variées. On ne tombe jamais dans la routine. C’est très stimulant intellectuellement.
Vous aviez une attirance pour la médecine d’urgence ?
J’ai une grande passion pour la médecine générale. Je n’ai jamais envisagé de faire autre chose. Et puis j’ai toujours été attiré par une médecine d’urgence, une médecine active, dynamique. J’ai fait pas mal de SAMU dans mes premières années en Seine-Saint-Denis où j’ai suivi mes études de médecine. À l’époque, j’ai participé à la création d’un des premiers centres 15. Après ma thèse, je suis parti deux ans au Rwanda au début des années 80. C’était le début de l’épidémie de sida. La maladie faisait déjà des ravages.
Quels ont été vos rapports avec les médecins sur le continent ?
On dit parfois qu’il n’y a pas une bonne entente entre la médecine de ville et l’hôpital. Dans mon cas, c’est tout le contraire. Pendant toutes ces années, j’ai eu d’excellents rapports avec mes confrères spécialistes sur le continent, avec l’hôpital et les cliniques de Lorient. Ils ont toujours été ouverts à la collaboration et disponibles. Je me suis toujours senti soutenu par eux.
« Le jour où j'ai fait un accouchement dans un canot de sauvetage »
Quels évènements vous ont le plus marqué au cours de votre carrière ?
Il y a cette fois, peu après mon installation, où j’ai fait un accouchement dans un canot de sauvetage de la SNSM, en mer et en pleine nuit. C’était lors d’une évacuation sanitaire où j’accompagnais une femme enceinte. Heureusement, la mer était calme. Ça s’est passé très vite. À notre arrivée sur le continent, nous étions un de plus ! Ce qui est amusant, c’est que ça s’est passé le jour de la Journée de la femme. L’histoire a tourné en boucle sur toutes les radios…
Il y a aussi ce drame qui est arrivé il y a quelques années. Des campeurs avaient fait un feu sur la plage des Sables rouges. Parmi les pierres qu’ils avaient disposées se trouvait un obus datant probablement de la Seconde Guerre mondiale. Avec la chaleur, il a fini par exploser vers 2 heures du matin. Quand je suis arrivé sur place, c’était une vraie scène de guerre. Il y a eu un mort et un blessé très grave. C’est un évènement qui m’a beaucoup marqué.
Vous exercez seul dans le cabinet médical depuis le départ de vos deux confrères il y a plusieurs années. Qui va prendre la relève après votre départ ?
Je ne me fais pas de soucis de ce côté-là. J’ai deux confrères qui se sont installés et qui projettent la construction d’une maison de santé pluridisciplinaire. Je trouve que les jeunes générations font très bien les choses. On ne peut pas du tout transposer ce que nous avons vécu, nous, à notre époque. Les conditions d’exercice sont plus difficiles, les patients sont plus exigeants… Il faut se regrouper pour faire face à ces évolutions. En revanche, je ne suis pas sûr que les mesures gouvernementales soient la solution aux problèmes d’accès aux soins. Les assistants médicaux, les forfaits structures… J’ai plutôt l’impression que ce sont des pansements qu’on met sur la grosse plaie qui est la carence médicale, le manque de médecins.
Et maintenant, qu’allez-vous faire ?
Je vais enfin pouvoir profiter de ma famille et de mes 5 enfants. Entre la médecine et la mairie, c’était un peu la folie, mais je ne regrette rien. C’était usant, mais passionnant !
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