INTRODUCTION
Le rhume pose encore actuellement trois problèmes : clinique, thérapeutique et socio-économique. Un problème clinique, notamment nosologique car, pour désigner une pathologie aussi fréquente, de nombreux termes médicaux sont utilisés aussi bien dans la langue française qu’en langue anglaise. Or, chaque terme induit une herméneutique spécifique qui conduit aussi bien le patient que le médecin à des prises en charge différentes. Mais aussi un problème thérapeutique, que nous aborderons dans un prochain article de mise au point de FMC du Généraliste, car de nombreux traitements sont prescrits malgré d’innombrables études soulignant parfois leur inefficacité, parfois leur dangerosité. Enfin, un problème socio-économique, car le rhume est pourvoyeur d’importantes dépenses pour la société.
DÉFINITION ET PHYSIOPATHOLOGIE
Le rhume est une maladie inflammatoire de la muqueuse des voies aériennes supérieures (VAS), parfois inférieures, liée à une infection virale aiguë, survenant par épidémie.
La transmission virale se fait soit par manuportage, soit sous forme de petites particules présentes dans l’air, ou par de plus grosses particules d'aérosol venant des voies aériennes à partir d'un patient infecté et diffusées par la toux, l’éternuement ou la parole. Les particules virales déposées sur la muqueuse des VAS diffusent à l’ensemble des cavités ORL grâce au drainage muco-ciliaire. La multiplication des particules virales débute dès leur passage intra-cellulaire, conduisant à une vasodilatation et une augmentation de la perméabilité vasculaire, responsables de l'obstruction nasale et du syndrome rhinorrhéique. La rhinorrhée est accrue par une stimulation cholinergique. Une destruction épithéliale est souvent notée, en particulier avec les adénovirus et le virus influenzae.
Trois points cliniques importants doivent être soulignés :
• Les virus responsables des rhumes sont variés et diffèrent selon les saisons et l’âge du patient. Les rhinovirus sont les plus fréquents, quel que soit l’âge (30 % à 50 % des rhumes) et apparaissent souvent à l'automne. Plus de cent sérotypes différents ont été identifiés. Puis viennent les coronavirus (10 à 20 % des rhumes), les virus parainfluenzae, le virus respiratoire syncytial, les entérovirus (moins de 5 % des cas chacun).
• Les virus ne connaissent pas l’anatomie : une infection virale va toucher l’ensemble de la muqueuse des VAS : cavité nasale, tous les sinus de la face, pharynx et larynx. Une « sinusite » est toujours présente lors des rhumes.
• Les phénotypes des muqueuses des VAS sont variés tant par leur anatomie que par leur immunité locale.
Dès lors, on peut comprendre qu’une grande variété des virus pouvant être responsables des rhumes associée à une grande variété de phénotypes des VAS puisse induire des formes cliniques de rhumes extrêmement variées. C’est cette grande variété des formes cliniques qui a conduit, dans l’histoire de la médecine, depuis des siècles, à dénommer par des termes très différents la même pathologie. Cela pose de lourds problèmes de nosologie.
■ Nosologie. Comme nous venons de le voir, les virus ne connaissent pas l’anatomie et une infection virale aiguë va affecter l’ensemble des VAS, c’est-à-dire générer une rhinite, une sinusite, une rhino-sinusite, une pharyngite, une rhino-pharyngite, voire une laryngite aiguë. Tous ces termes sont synonymes des mots « rhume » ou « coryza ».
Pourtant, chacun de ces termes sous-tend – à tort – une vision physiopathologique et un traitement différent. Leur utilisation se traduit dans la population par une appréciation différente de la gravité, et chez les médecins par des conséquences thérapeutiques multiples. En effet, chacun de ces termes conduit une herméneutique spécifique ; ils sont porteurs, dans l'imaginaire collectif, d'une valeur pronostique différente : un « rhume » suggère une pathologie d'apparence bénigne, tandis qu'une « sinusite » fait office de maladie plus grave et requérant un traitement plus consistant. Ainsi, en pratique, on ne semble pas traiter de la même façon un rhume et une sinusite aiguë bien que ces deux termes reflètent la même entité physiopathologique et clinique.
Dans la suite de cette mise au point, nous utiliserons le terme « rhume » pour résumer l’ensemble de ces dénominations. Il serait préférable d’utiliser un terme générique commun : IVVAS (infection virale des VAS).
PRÉVALENCE ET CONSÉQUENCES SOCIO-ÉCONOMIQUES
La seule étude permettant d’apprécier la prévalence des rhumes est issue du Centre de contrôle et de prévention des maladies des États-Unis. Durant l’année 1996, 24 % de la population américaine a eu un rhume.
Chaque rhume affectant un adulte correspond à :
– un nombre de jours d'activité réduite évalué
à 56 jours/100 personnes/an ;
– un nombre de jours d'alitement évalué à 17 jours/100 personnes/an ;
– un nombre de jours d'arrêt de travail évalué
à 16 jours/100 personnes/an sur l'ensemble de la population âgée de plus de 18 ans.
Le coût économique lié à cette perte de productivité a été estimé à 25 milliards de dollars par an aux USA. Il faut ajouter à ces coûts socio-économiques le coût des dépenses de soins.
SYMPTOMATOLOGIE
Selon la Société européenne de rhinologie et l’Académie d’allergologie et d’immunologie clinique, le rhume se définit cliniquement par l’apparition soudaine de deux des symptômes suivants : une obstruction ou une congestion nasale, une rhinorrhée antérieure et postérieure, une pesanteur ou des douleurs faciales, une hyposmie voire une anosmie, des maux de gorge et une toux, dans un contexte modérément fébrile et survenant par épidémie.
Un point majeur – qui conduit souvent à des erreurs diagnostiques et thérapeutiques – est qu’une rhinorrhée colorée, jaune, brune, souvent dénommée « surinfection », ne témoigne pas de la présence d’une infection bactérienne ; elle résulte seulement d’une nécrose muqueuse. Ainsi, il n’est pas justifié de prescrire une antibiothérapie devant un changement de couleur de l’écoulement nasal ; une rhinorrhée dite « purulente » n’est pas synonyme d’infection bactérienne. Cette notion est le leitmotiv d’innombrables publications nationales et internationales, et de nombreuses recommandations de sociétés savantes de l’ensemble des pays industrialisés.
Le profil évolutif des symptômes du rhume est marqué par deux phases : une augmentation de la fréquence et de l’intensité des symptômes jusqu’à une acmé à J3-J4, puis une diminution spontanée des symptômes sur une durée de 8 à 15 jours en fonction des symptômes (figure 1). La plupart des consultations médicales sont faites à l’acmé de J3-J4. En utilisant les séries de patients sous placebo des études thérapeutiques randomisées, on constate que 8 % des patients sont guéris en moins de 5 jours, 40 % entre J7 et J12, 45 % entre J13 et J14. Au total, 93 % des patients sont guéris sans aucun traitement en moins de deux semaines.
COMPLICATIONS
Quand suspecter une forme bactérienne ? Cinq conférences de consensus sur la rhinosinusite aiguë ont estimé que seulement 0,5 % à 2 % des rhinosinusites aiguës virales se compliquent d'une surinfection bactérienne. Trois circonstances cliniques doivent y faire penser :
• la persistance d’une fièvre supérieure à 39 °C durant plus de 3 jours consécutifs ;
• une évolution des symptômes en deux phases où, après une décroissance initiale à partir de J3-J4, l’intensité des symptômes augmente franchement à nouveau ;
• une évolution des symptômes sans décroissance après J5-J6 (évolution en plateau).
Les complications des rhumes de l’adulte sont rares, survenant dans moins de 5 % des cas dans toutes les études de la littérature : otite moyenne aiguë, sinusite bactérienne aiguë. La persistance d’une fièvre supérieure à 38,5 °C au-delà de 3 jours et d’une douleur faciale intense en regard d’un sinus ne cédant pas aux antalgiques habituels doit faire suspecter une sinusite bactérienne. Il faut néanmoins souligner qu’il existe une atteinte constante de la muqueuse des sinus de la face lors des rhumes ; une telle atteinte pauci-symptomatique ne justifie aucun traitement antibiotique.
EN RÉSUMÉ
• Le rhume est une virose aiguë des voies aériennes supérieures (VAS) survenant par épidémie et affectant l’ensemble des cavités nasales, sinusiennes et pharyngées. Les virus ne connaissent pas l’anatomie : toute la muqueuse des VAS est touchée : cavités nasales et sinusiennes, pharynx.
• Ainsi, de nombreux termes sont des synonymes du mot rhume : coryza, rhinite, sinusite, rhino-sinusite, pharyngite, rhino-pharyngite aiguë.
• Le profil évolutif des symptômes du rhume passe par une acmé à J3-J4 suivie d’une décroissance variable selon les symptômes durant environ 15 jours. Moins de 2 % des rhumes ont une origine bactérienne : leur diagnostic repose essentiellement sur le profil évolutif.
• Les complications des rhumes de l’adulte sont rares, survenant dans moins de 5 % des cas : otite moyenne aiguë, sinusite bactérienne aiguë.
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Liens d'intérêts
Les auteurs déclarent n'avoir aucun lien d'intérêts relatif au contenu de cet article.
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