Obstétrique

UN TEST PERFORMANT POUR DÉPISTER LA TRISOMIE 21

Publié le 12/06/2015
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Le test ADN sur plasma maternel pour dépister la trisomie 21 est plus performant que le dépistage actuel.
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Crédit photo : SPL/PHANIE

Test ADN extra-cellulaire pour le dépistage non invasif de la trisomie 21.

Norton ME, Jacobsson B, Swamy GK et al. Cell-free DNA Analysis for Non-invasive Examination of Trisomy. N Engl J Med 2015;372:1 589-97.

CONTEXTE

Aujourd’hui, le dépistage prénatal de la trisomie 21 repose sur un calcul de risque basé sur l’âge maternel, et la combinaison des résultats d’une échographie (clarté nucale) et de marqueurs biochimiques. Cette procédure détecte 70 % à 90 % des cas de trisomie 21 au prix de 2 % à 5,4 % de faux positifs (1).

De son côté, le test ADN sur le plasma maternel a montré des performances supérieures, mais uniquement chez des femmes à très haut risque, ce qui limitait son utilisation en population générale de femmes enceintes (2).

OBJECTIF

Comparer les performances du test ADN à celles de la procédure standard dans une population de femmes enceintes non sélectionnées.

MÉTHODE

Étude de cohorte multicentrique prospective comparative. Les femmes incluses ont fait les deux tests entre la 10e et la 14e semaine de grossesse avec le résultat du test ADN communiqué en insu à un centre indépendant d’analyse des données. Le gold standard était le diagnostic génétique invasif (quand il était nécessaire) ou l’examen du nourrisson à la naissance.

Le critère de jugement principal était l’aire sous la courbe (ROC) de chacun des tests, avec leur sensibilité (se), spécificité (sp), valeur prédictive positive (VPP) et négative (VPN). Pour montrer une différence entre les deux tests avec un risque alpha = 0,05, et une puissance de 80 %, et sur la base de 1 cas de trisomie 21 pour 500 grossesses et du taux estimé de perdues de vue, il fallait recruter 18 700 femmes enceintes éligibles. L’analyse sur le critère principal ROC a été faite à l’aide du Z-test de la méthode de DeLong.

RÉSULTATS

Entre mars 2012 et avril 2013, sur 18 955 femmes éligibles, 15 841 ont été incluses dans l’analyse finale et ont toutes fait les deux tests en moyenne à 12,5 semaines de grossesse (mini 10e-maxi 14e). La moyenne d’âge était de 31 ans (18-48). 2,6 % ont eu une amniocentèse.

Pour le test ADN, la courbe ROC était de 0,999 vs 0,958 pour le test standard, p = 0,001. Plus pragmatiquement, sur les 38 cas de trisomie 21 dans cette population, 38 ont été détectés par le test ADN (se = 100 %) et 30 par le test standard (se = 78,9 %), p = 0,008. Il y a eu 9 faux positifs (0,06 %) avec le test ADN et 854 (5,4 %) avec le test standard, p < 0,001.

La VPP était de 80,9 % avec le test ADN vs 3,4 % avec le test standard, p < 0,001. Enfin, la VPN était de 99,9 % pour les deux tests. 38 des 47 femmes à haut risque étaient enceintes d’un enfant trisomique.

COMMENTAIRES

Depuis son apparition (1997), la performance du dépistage prénatal de la trisomie 21 et ses conséquences font débat (faux positifs, faux négatifs, diagnostic invasif risqué, interruptions de grossesse non justifiées ou réassurance inappropriée). De plus, selon les pays, il soulève des problématiques légales, éthiques et/ou spirituelles pour certains couples ou associations. Disposer de tests plus performants était légitime pour réduire les imperfections des procédures actuelles (11 % d’amniocentèses post-test).

Cette étude bien conduite a démontré que le test ADN était plus performant que le test standard chez des femmes enceintes non sélectionnées. Sans être parfaites, les performances du test ADN sont très supérieures à la procédure standard. Méthodologiquement, cette étude est bien construite, même s’il est possible de lui reprocher d’avoir comparé les tests uniquement au 1er trimestre alors que la procédure standard recourt à un test combiné au 1er trimestre et à un dosage biologique au 2e, ce qui améliore sa sensibilité et sa spécificité (3).

Cependant, même avec des résultats aussi convaincants, il faut garder à l’esprit que le résultat d’un test de dépistage informe uniquement sur une probabilité. Ce n’est pas un diagnostic. Autrement dit, il ne peut pas se substituer aux procédures diagnostiques invasives. Cette décision appartient exclusivement à la femme (couple) après information honnête, chiffrée et compréhensible sur les bénéfices et les risques pré et post-test auxquels l’avenir de la grossesse et de l’enfant est exposé.

En pratique, la majorité des premières consultations au 1er trimestre de la grossesse a lieu en médecine générale (4). En 2007, la recommandation de la HAS (5) préconisait de proposer un test de dépistage de la trisomie 21 au 1er trimestre dans le cadre du programme d’assurance qualité des réseaux de périnatalité. La proposition de dépistage est donc une tâche des médecins de soins primaires. Si la HAS met à jour sa recommandation, et que le test ADN y supplante la procédure actuelle, la mission d’information loyale aux patientes sera identique, mais moins inconfortable.


Dr Santa Félibre (Médecin généraliste enseignant)

Source : lequotidiendumedecin.fr