Courrier des lecteurs

Gardes : d'urgence, permettre aux généralistes de souffler

Publié le 20/02/2020

Je soumets à votre attention le problème des gardes imposées aux médecins généralistes libéraux. En fait, ce ne sont pas les gardes mêmes qui constituent le problème – car on est tous conscients des besoins, et on a tous un grand degré de compassion si on a choisi cette profession. Le problème est lié au rythme imposé aux médecins.

En journée les week-ends et jours fériés. Et il y en a d'autres où on demande aux libéraux de faire des gardes non seulement pendant les journées, mais également les nuits des weekends et jours fériés, et dans les jours de la semaine également, après leurs propres horaires de travail, du 20 h à 24 h.

Cela pourrait apparaître tout simple à ceux qui ne savent pas comment les journées de travail des médecins généralistes se déroulent – dans la grande majorité des cas, pendant 11-12 h. Et si ces 12 heures comprennent, par exemple, trois heures et demie des consultations sans rendez-vous tous les jours et le samedi matin (une sorte de garde en elle-même), plus des visites à domicile – en moyenne trois par jours, (jusqu'à 30 km environ)- plus des consultations avec rendez-vous les soirs, jusque 19 ou 20 h, plus d'autres demandes inattendues…

Parfois, le généraliste n'a pas assez de temps le midi pour manger normalement. C'est le terrain ouvert pour développer des gastrites, ulcères, diabètes de stress, plus toutes sortes de troubles dépressifs reliés à la fatigue excessive. A fortiori, quand il est installé seul, sans collaborateur ou remplaçant (très difficile à trouver) pour l'aider.

Pas le droit d'être malade !

Mais un médecin n'a pas le droit d'être malade. Il est une sorte d'extraterrestre, car s'il tombe vraiment malade (avec arrêt maladie), la région crie au désespoir ! Conscients de cela, les généralistes travaillent jusqu'à tomber définitivement - par un infarctus, un AVC.

Je ne suis pas très connaisseuse en matière de législation, mais je sais que le droit du travail comprend des réglementations bien précises sur le temps de travail et de repos, et qu'après une garde de 12 h (d'autant plus si elle comprend la nuit), on a le droit à un repos de 24 h. Mais la réglementation et la médecine du travail ne disent rien des gardes des médecins généralistes suivies par des journées de travail habituelles. 

Ce rythme-là peut convenir à certains médecins, et pour certaines périodes. Surtout quand on a des collaborateurs ou des associés, qui peuvent prendre le lendemain les consultations du confrère qui a été de garde. Ça peut aller également quand on est jeune et en pleine force de travail. Cependant, on n'a pas tous la même capacité de résistance à l'effort et au stress.

Je songe à la situation d'un médecin qui, après une garde de jour la semaine ou après un week-end de garde, commence le lendemain son activité habituelle. Peut-être qu'il n'a pas réussi à s'endormir immédiatement après sa garde, et par conséquent, il n'a eu que quelques heures de sommeil. Il doit quand même faire de son mieux, sans sauter un détail qui pourrait être décisif pour un diagnostic, et sans oublier de demander des explorations nécessaires. S'il a des visites, il prendra sa voiture. Et devra conduire prudemment, s'adapter aux situations inattendues du trafic, suivre les réglementations du Code de la route, tout en devant arriver en temps utile. Surhomme, superman, super-robot ? Non, juste un médecin qui obéit aux réglementations !

Deux solutions possibles

Alors, quelles solutions pour éviter ça ? On pourrait d'abord instaurer une ligne de garde à part, sans connexion avec les médecins généralistes libéraux qui travaillent déjà 11-12 h par jour à leurs cabinets. Cela pourrait revenir à des centres de santé, sous l'égide des CPTS, qui embaucheraient des généralistes dans le seul but d'effectuer des gardes. Ces centres pourraient établir des mi-temps, ou des collaborations – pour les médecins qui auraient déjà leur propre cabinet, et souhaiteraient quand même faire des gardes — ou des temps complets pour ceux qui souhaiteraient travailler juste dans ce système. Le financement pourrait être effectué, en système salarié, par des contributions du ministère et/ou du département ou selon le modèle libéral - chaque médecin étant payé par consultation, avec le rajout de la cotation de garde et mise à disposition du local d'un cabinet équipé.

La deuxième solution serait d'accorder un jour de libre pour les médecins généralistes libéraux après une garde, et de trouver des remplaçants pour les médecins qui exercent seuls, pour le lendemain de la garde. À défaut de trouver un remplaçant – étant donné leur rareté – on indiquerait un cabinet d'un confrère – plutôt un cabinet de groupe - qui devrait prendre le lendemain les consultations du médecin installé seul qui a effectué la garde. S'il y a des moyens, dans certaines régions, la première solution serait plus efficace. Mais la deuxième est plus simple et n'implique pas de coût supplémentaire.

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Dr. Florina Rosu, médecin généraliste, Saint-Mathurin (85)

Source : Le Quotidien du médecin