L’anesthésiste belge mise en cause dans le décès d’une jeune femme à l’hôpital d’Orthez était-elle sous l’emprise de l’alcool lorsqu’elle a réalisé l’anesthésie générale de la parturiente ? Rien ne permet de l’affirmer à ce stade. Mais le drame pose la question de la prise en charge des addictions à l’hôpital. Ce médecin souffrirait d’un problème d’alcool pathologique. L’anesthésiste avait 2,4 g/l d’alcool dans le sang lorsqu’elle s’est présentée aux gendarmes.
Omerta
Le sujet des addictions reste tabou au sein du corps médical. S’y attaquer, c’est risquer de heurter la communauté hospitalière.
Le Dr James Brodeur (SMARNU) en a fait l’expérience, il y a quelques années, dans un hôpital où travaillait un infirmier anesthésiste (IADE) qui s’injectait des produits destinés aux patients. « Tout le monde le savait, et personne n’a voulu bouger, raconte l’anesthésiste. Il a fallu que je fasse une déclaration personnelle au procureur de la République pour qu’une enquête soit diligentée, et pour que l’IADE entre dans une démarche thérapeutique. Il a quitté l’hôpital ensuite. Et moi, je me suis retrouvé face à une équipe hostile. Par crainte que le collègue reçoive une sanction, on se tait. Mais ce faisant, on ne lui apporte aucune aide ».
Une enquête SESMAT conduite en 2007 indiquait que seulement 40 % des praticiens hospitaliers fréquentent la médecine du travail. Six praticiens sur dix passent au travers. Le Dr Brodeur lui-même n’a vu le médecin du travail que deux fois dans sa carrière : le jour de son embauche, et le jour de son départ à la retraite, pour obtenir un certificat l’autorisant à faire des remplacements. L’exercice fut expédié : aucune question sur la consommation d’alcool ou de drogue n’avait été posée.
Spécialité exposée
Le collège français des anesthésistes-réanimateurs a mis en place un numéro vert (0.800.00.69.62) pour venir en aide aux praticiens exposés à une addiction ou un problème de santé grave, de type burn out.
Mais le service peine à être connu.
« On a signalé notre initiative au ministère de la Santé il y a un an, qui nous a simplement dit "c’est bien", sans nous aider à diffuser ce numéro vert dans les blocs, regrette le Dr Max Doppia, du SNPHAR-E. Il y a une défaillance du système dans sa globalité. La collègue d’Orthez, si elle avait été orientée plus tôt, aurait pu bénéficier d’un accompagnement adapté, et le drame aurait peut-être pu être évité ».
Pour ce même médecin, il ne faut pas prendre l’affaire à la légère car elle révèle un mal profond. « Combien de chefs de service se sont trouvés démunis, face à un confrère déviant, et ne sachant pas que faire ? Les anesthésistes-réanimateurs font des efforts pour affronter ce problème, mais ils ne sont pas soutenus. Il n’existe aucune traçabilité des parcours des médecins intérimaires. La plupart sont bons. Mais les mauvais, ce sont comme des patates chaudes qu’on se refile. Casser leurs contrats ne suffit pas. Il faudrait pouvoir les identifier, afin de les empêcher de travailler ailleurs ».
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