600 000 euros : c’est le surcoût pour l’hôpital d’Arras, en 2015, occasionné par la flambée du franc suisse. De quoi retarder certains investissements, comme le réaménagement du bloc ou l’achat de nouveaux équipements.
La directrice confie sa grande peur : « Je ne voudrais pas que le franc suisse dévore les marges de manœuvre créées par nos efforts ». Depuis son arrivée en 2010, Marie-Odile Saillard traque les dépenses inutiles. Réorganisation des services, baisse de lits à la maternité, ajustement des effectifs, révision des plannings... Un grand ménage a été effectué. Il a fallu convaincre, fédérer les équipes, pour un résultat qui commence à payer : l’hôpital a bouclé 2014 en excédent.
Mais il reste la dette, très lourde : 145 millions d’euros, dont un tiers composé d’emprunts toxiques assis sur divers taux de change. Cette dette, Marie-Odile Saillard en assume l’héritage : « L’ancien hôpital était devenu obsolète, il a fallu le reconstruire en passant par le plan Hôpital 2007. Tout le monde a fait cela à l’époque, et personne ne s’est levé vent debout pour dire qu’il ne fallait pas souscrire d’emprunt toxique ».
Risque financier neutralisé jusqu’en 2016
Une première vague d’emprunts, à des taux maîtrisés, permet au béton de couler. D’importants surcoûts fin 2008 conduisent l’établissement à renégocier ses emprunts. C’est à ce moment-là que sont signés des produits toxiques. « Comment s’est passée la renégociation ? Je n’en sais rien. L’ancien président du conseil d’administration assure n’avoir pas été informé des risques », relate l’actuelle directrice. Elle refuse de jeter la pierre à son prédécesseur, et préfère parler de « coresponsabilité » : « Les hospitaliers rendent toujours des comptes. Il n’est pas pensable que l’ARH n’ait pas été au courant ».
Jusqu’à présent, Marie-Odile Saillard a préféré la négociation au contentieux. Une partie des prêts toxiques a pu être sécurisée jusqu’en 2016. Mais le problème à long terme reste entier, et la directrice n’exclut pas la piste du tribunal, si son hôpital n’est pas autorisé à saisir le fonds de soutien (son budget de 200 millions d’euros dépasse le plafond fixé par les autorités).
Surcoût imprévu qui correspond à 4 postes de PH
Au Havre, l’hôpital fait lui aussi les frais de l’envolée du franc suisse. Les premières années, le prêt structuré affichait un taux bonifié de 3,9 %. Imbattable. Mais l’hôpital a mangé son pain blanc. En 2014, le taux a bondi d’un coup à 12,7 %. Surcoût : 450 000 euros, l’équivalent de 11 postes d’agents, ou de 4 postes de praticiens. Cette année, du fait de la crise du franc suisse, le surcoût pourrait grimper à 800 000 euros ! « Notre retour à l’équilibre s’en trouve ralenti, constate Valérie Billard, secrétaire générale du centre hospitalier. Jusqu’à présent, il n’y a pas eu d’impact sur les services et l’offre de soins. Mais si les taux continuent de flamber, cela deviendra compliqué ».
Les emprunts toxiques sont régulièrement évoqués en commission médicale d’établissement. Ils minent le moral des troupes. « Avant chaque embauche, on réfléchit à deux fois. Pour chaque emprunt, il faut l’aval de l’ARS, détaille le Dr Pascal Le Roux, président de la CME. Ce problème, combiné à d’autres (la baisse des tarifs, des MIGAC, des moyens alloués à la permanence des soins...), reporte la ligne d’horizon de plus en plus loin. On nous dit "allez y, faites de l’activité, on va vous donner des sous", et nos moyens baissent tous les ans ». L’hôpital du Havre a assigné sa banque au tribunal pour défaut de conseil et tromperie. Verdict à l’automne.
Investissement en santé : malgré l’urgence, pourquoi ça coince encore
Suicides de soignants à l’hôpital : Vautrin, Borne et Neuder visés par une plainte, ainsi que l’AP-HP
Opacité tarifaire, pratiques commerciales trompeuses… Les cliniques rappelées à l’ordre par Bercy
Vers un moratoire sur les fermetures des maternités ? Les obstétriciens du Syngof disent non