Grève massive des PH lundi 3 et mardi 4 juillet : le mouvement fait tache d'huile, la pression s'accentue sur François Braun

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Publié le 30/06/2023
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Crédit photo : S.Toubon

« Avec ce gouvernement, il faut instaurer un rapport de force pour négocier ! », résume le Dr Jean-François Cibien, président de l’intersyndicale Action praticiens hôpital (APH) qui a déposé un préavis de grève des soins urgents et non urgents le 3 juillet, relayé par toutes ses composantes (Snphare, SPHP, urgentistes de SUdF, obstétriciens du Syngof, biologistes du SNBH, gériatres du SNGC, pédiatres du SNPEH, etc). 

Parallèlement, trois autres syndicats de médecins hospitaliers (INPH, Snam-HP et CMH) représentatifs et signataires du Ségur de juillet 2020, ont annoncé une journée de grève et d’action nationale le 4 mardi juillet.

Signe d'une exaspération partagée, ces deux mouvements ont des revendications principales qui se recoupent, soutenues aussi par d'autres organisations médicales (Amuf, Jeunes Médecins) ou des confédérations de salariés (CGT), qui s'inquiètent de la dégradation des conditions de travail. Alors que les négociations sont suspendues, tous souhaitent accentuer la pression sur François Braun, qui devrait rencontrer les syndicats le 4 juillet.

PDS et carrières, deux points durs

La revalorisation immédiate de la permanence des soins – gardes et astreintes incluses – mais aussi la réévaluation de grille salariale statutaire des PH (avec le rattrapage des échelons pour les PH nommés avant 2020) font partie des demandes récurrentes, alors que les concertations entamées avec le ministère sont en jachère.

Beaucoup de syndicats, clairement ou mezza voce, accusent Bercy de bloquer le processus depuis des semaines. « Bercy refuse de débloquer le budget nécessaire pour financer des mesures d’attractivité », tempête Jean-François Cibien, qu'il accuse « de faire des économies sur le dos des PH et des soignants ».

La pilule est d'autant plus amère qu'il y a quelques mois, le gouvernement promettait de réinjecter dans la revalorisation des carrières des PH en poste les économies issues du plafonnement de l’intérim médical. Or, cette régulation de l’intérim a aussi abouti à promouvoir de juteux contrats de motif 2* qui aggravent le sentiment d’injustice et de déclassement que ressentent les PH. De fait, ces praticiens contractuels pourraient gagner « jusqu’à 150 000 euros brut par an, le double de celui d’un PH qui fait huit gardes par mois… », alerte le Dr Cibien.

Le Dr Thierry Godeau, patron de la conférence des présidents de commission médicale d’établissement (CME) de CH, estime lui aussi que ces contrats parallèles ont induit « des tensions de plus en plus importantes entre les équipes médicales », aggravant les rancœurs des praticiens titulaires. Selon l'endocrinologue rochelais, nous sommes passés d’une « dérégulation de l’intérim à une dérégulation des statuts de praticiens contractuels ».

Urgentistes, obstétriciens, pédiatres… relaient le ras-le-bol

Au-delà des intersyndicales, plusieurs spécialités hospitalières amplifient le message. L'Association des médecins urgentistes de France (Amuf) fait valoir que les  PH « ont perdu 15 % de rémunération depuis 10 ans ». Pour le syndicat du Dr Patrick Pelloux, nous sommes face à une « débâcle de l’accès aux soins en urgence et le nombre de plaintes et de décès évitables ne fait qu’augmenter ». Autrefois présidé par François Braun, Samu Urgences de France (SUdF) fait le même constat. « Nous n’avons pas d’autre choix que de lancer un mouvement de grève pour faire entendre notre voix », confie au « Quotidien » son président, le Dr Marc Noizet. Son syndicat a du mal à comprendre pourquoi les négociations « se sont brutalement arrêtées, sans perspective de reprise malgré nos relances ».

Le Syndicat national des gynécologues et obstétriciens de France (Syngof) s'impatiente également. « Le rafistolage continue avec création et financement de statuts d’exception et de primes tentant de masquer la détresse des hôpitaux et tout particulièrement celle des maternités », enrage le Syngof. Dans leur registre, pédiatres ou psychiatres hospitaliers ont également relayé le désarroi du secteur, dans un contexte de fortes tensions sur les ressources humaines. 

Cercle vicieux

Les dossiers non résolus ayant trait à la valorisation de la PDS, au travail de nuit et à la pénibilité à l'hôpital expliquent aussi que ce mouvement de blouses blanches fasse tache d'huile. Le secteur ne se contente plus de mesures ponctuelles, reconduites mois après mois, mais exige des dispositions pérennes.  

Présidente du Syndicat national des praticiens hospitaliers anesthésistes-réanimateurs élargi aux autres spécialités (Snphare), la Dr Anne Geffroy-Wernet déplore « l’incapacité des tutelles à organiser et valoriser la permanence des soins », aboutissant à un cercle vicieux. « Encore plus d’activité, encore moins d’attractivité, encore plus de départs », résume-t-elle. De ce point de vue, le Ségur n’a pas répondu aux attentes des PH, en laissant ces sujets de côté (PDS, sujétions) alors qu'ils sont devenus centraux. 

De fait, les trois organisations qui étaient signataires du Ségur (INPH, Snam-HP et CMH), mobilisées de leur côté le mardi 4 juillet, exigent eux aussi la revalorisation « immédiate » de la permanence des soins et la prise en compte de la 5e plage horaire pour prendre en compte le travail de fin de journée et valoriser la continuité des soins. 

Mais au-delà, c'est l'attractivité des carrières médicales qui est en jeu, à l'heure où le tiers des postes de PH sont vacants. Sont ainsi réclamées l'augmentation « générale » des rémunérations pour amortir le choc de l’inflation et la « reprise » des quatre ans d’ancienneté.

Les hospitalo-universitaires aussi mobilisés 

Membre d’INPH, le Syndicat des hospitalo-universitaires (SHU) soutient le mouvement de grève et fait part de son « extrême inquiétude face à l’augmentation des démissions, mises en disponibilité et absences de prolongation de carrière ».

Alors qu’un rapport (Uzan) remis au ministre de la Santé souligne la faible retraite des HU, aggravée par le prolongement de deux ans de l’âge légal, c'est la perte d’attractivité pour toute la carrière hospitalo-universitaire qui est dénoncée. Le syndicat alerte sur le « recul inédit » d’engagement des jeunes générations, qui se traduit par « une vacance des postes HU non titulaires »

*Le contrat de motif 2 suppose qu’il existe des difficultés particulières de recrutement ou d’exercice des praticiens, pour une activité nécessaire au maintien d’une offre de soins sur un territoire donné.


Source : lequotidiendumedecin.fr