Une nouvelle enquête (voir ci-dessous le rapport) de l’Inspection générale des finances et de l’Inspection générale des affaires sociales (IGF/IGAS) met à mal l’ambitieux objectif du gouvernement d’économiser un milliard d’euros en trois ans grâce au développement de la chirurgie ambulatoire. Au printemps, la ministre de la Santé Marisol Touraine en faisait une priorité : dès 2016, 50 % des interventions devraient se pratiquer en ambulatoire (contre 40 % aujourd’hui).
Un potentiel de développement plafonné à 64 % des séjours
Pour établir ce document d’une cinquantaine de pages, daté de juillet et révélé par « le Point », les experts de l’IGAS et de l’IGF se sont rendus dans une vingtaine d’établissements de six régions.
Premier constat de la mission : le potentiel national maximal de chirurgie ambulatoire s’élève à 64 % des séjours de chirurgie uniquement. Cette évaluation contredit les recommandations de la Cour des comptes pour qui le développement de la chirurgie ambulatoire porté à 80 % des séjours pourrait générer un « potentiel d’économies » de cinq milliards d’euros.
« Les économies associées au développement de cette prise en charge ne sont qu’applicables au périmètre de la chirurgie, soit 3,2 millions de séjours », peut-on lire. Cela représente 18 % des séjours de l’ONDAM (dépenses maladie) hospitalier.
La mission d’experts fait état de freins « techniques, humains et organisationnels ». 10 % des patients sont écartés de la prise en charge chirurgicale en ambulatoire « pour des raisons médicales ». D’autres ne peuvent en bénéficier pour cause d’éloignement géographique ou d’isolement – aucun aidant ne peut assurer leur suivi à domicile. Le frein psychologique est également évoqué : aux yeux de certains malades, l’hospitalisation complète semble toujours « plus sécurisante et plus confortable ».
Politique d’incitation tarifaire illisible
Les experts relèvent que l’alignement des tarifs entre hospitalisation complète et ambulatoire « semble avoir plus accompagné que déclenché le développement de la chirurgie ambulatoire », dont le taux « progresse fortement mais de manière inégale ». Si elle donne « un signal positif » aux établissements, cette incitation tarifaire reste « brouillée » par « d’autres principes entrant en jeu dans la construction des tarifs : la convergence, la neutralité tarifaire et les mesures d’économies ». « Ce millefeuille de mesures modelant les tarifs dans des sens différents rend illisible le signal tarifaire spécifique en faveur de la chirurgie ambulatoire », lit-on encore.
Réorganisation des ressources humaines nécessaire
Concernant les économies attendues grâce à la chirurgie ambulatoire, la mission admet manquer d’estimations chiffrées. Une directive remise aux ARS en 2010 table sur 30 millions d’euros épargnés en 2010 et 50 millions d’euros en 2011. Des sommes très éloignées du milliard d’euros attendu par le gouvernement.
Surtout, les experts soulignent que tout développement massif de l’ambulatoire sera conditionné à une forte réorganisation des ressources humaines, de la logistique et de l’hôtellerie. Ils évoquent « la suppression de lits d’hospitalisation » et la réduction des effectifs « nécessaires à l’encadrement des lits de chirurgie complète ».
Si cette mission embarrassante met à mal les ambitions du gouvernement, elle peine à élaborer de nouvelles recommandations pour doper la chirurgie ambulatoire. Les experts citent trois pistes : affirmer une stratégie claire à moyen terme, « appuyée sur des méthodes homogènes et mobilisant des leviers nationaux structurants » ; lever les freins à la prise en charge liés aux spécificités des patients ; placer la qualité et la sécurité des soins au cœur du processus de développement.
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