JEUDI DERNIER, salle du réfectoire. Le personnel du CHI, réuni en assemblée générale, assiste à l’installation officielle de Nicole Pruniaux, chargée de piloter l’administration provisoire. Le climat est lourd. Dans les couloirs, des affiches syndicales s’interrogent sur l’avenir de l’établissement. Le patron de l’Agence régionale de santé (ARS) d’Ile-de-France, en opération déminage, tente de remonter le moral des troupes. L’hôpital survivra, l’Agence le soutiendra, mais à deux conditions : qu’il se dote d’un plan de retour à l’équilibre et d’un projet médical.
Les syndicalistes profitent de la présence inhabituelle de Claude Évin pour exprimer le malaise ambiant. Maltraitance, sous effectif, mauvaise gouvernance... « Ce sont les salariés qui payent les problèmes de guerres intestines », déplore la représentante de SUD. L’ancien ministre de la Santé n’ignore rien de la situation. « On ne peut pas bâtir une communauté sur des clans », lance-t-il aux blouses blanches. La maire et présidente du conseil de surveillance, Dominique Voynet, appelle à « l’arrêt des rumeurs ». « La condition de l’unité, c’est de tout se dire », ajoute-t-elle.
Pas assez productif.
Que se passe-t-il, au juste, à l’hôpital de Montreuil ? D’abord, il y a ce déficit, qui file depuis de trop longues années. En 2007, un diagnostic est posé par des conseillers généraux des établissements de santé : l’hôpital est sous dimensionné, pas assez productif. Avec l’AP-HP comme voisine au bout du métro, le CHI de Montreuil doit éviter des transferts de patients qui ramèneraient de l’argent. Un objectif est alors fixé : augmenter l’activité de 4 % par an. Cinq ans plus tard, l’activité n’a pas décollé. L’endettement cumulé, lui, atteindra 109 millions d’euros fin 2012. À qui la faute ?
« On est tous responsables », concède le président de la Commission médicale d’établissement (CME). Et le Dr Raymond Gryman d’évoquer la reconstruction du pôle mère-enfant, validée par les tutelles pour un coût de 75 millions d’euros. « Alors qu’on était déjà déficitaires ! ». Deux emprunts s’avèrent toxiques. En 2011, le taux d’intérêt a frôlé les 13 %, et le surcoût engendré s’est élevé à 1,2 million d’euros.
L’explication ne s’arrête pas là. Plombé, l’hôpital l’est aussi en raison de fortes dissensions internes.
A bout de nerfs.
De façon anonyme, plusieurs praticiens confient être à bout de nerfs. « L’ancienne directrice s’est appuyée sur un triumvirat de médecins qui ont décidé de tout pour les autres », estime l’un d’eux. L’hôpital a essuyé huit départs de chefs de service en quatre ans - l’un d’eux s’est arrêté pour burn out. Les conflits s’enlisent, et le turn over du personnel s’intensifie. À la maternité, le recrutement d’une chef de service aux méthodes contestées a considérablement dégradé l’ambiance. Les sages-femmes, les obstétriciens et les anesthésistes ont alerté la direction fin 2011. L’ARS a mené un audit, dont les conclusions restent confidentielles. « Il y a un problème de gouvernance à la maternité, admet le président de la CME. Le dossier est en cours de traitement ».
Le département d’anesthésie-réanimation est également en ébullition. La suppression d’une des deux lignes de garde a été perçue comme la provocation de trop. Deux anesthésistes, dont le chef de service, ont claqué la porte. La chirurgie a dû réduire la voilure : deux des huit blocs tournent. Cinq autres anesthésistes sont sur le départ. L’un d’eux confie : « Nous ne désertons pas pour gagner plus ailleurs, mais parce que la situation est pourrie ». Usé, un chirurgien s’en prend à la tarification à l’activité : « La T2A nous a montés les uns contre les autres. On pense chiffres, on ne pense plus médecine. L’Agence devrait animer la réflexion territoriale. Au lieu de quoi, chaque hôpital, chaque service, tente de garder son pré carré ». Démotivé, il ajoute : « Qui survivra verra ».
Le marasme est tel que l’hôpital n’est pas à l’abri d’un dysfonctionnement grave, estime le président de la CME. « On ne prend plus d’urgences chirurgicales pour des raisons de sécurité, dit-il. À présent qu’on est au fond du gouffre, il faut se retrousser les manches, et freiner les départs en anesthésie-réanimation. La démographie des anesthésistes est un gros problème au plan national, qui s’ajoute à nos problèmes locaux. La leçon que je tire, c’est qu’on ne peut pas gérer cette spécialité comme les autres départements ».
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