LE QUOTIDIEN : Depuis plusieurs semaines, la réanimation pédiatrique est en crise. D’où vient-elle ?
Pr FABRICE MICHEL : Deux facteurs expliquent cette crise. D'abord, le manque de lits est manifeste, notamment dans les grandes villes. À cela s’associe cette année une épidémie hivernale de bronchiolite particulièrement sévère. On sait qu’il y a toujours un pic entre début décembre et la première semaine de janvier, seule son intensité est variable. Cet hiver, il y a eu beaucoup d’enfants en situation grave. Nous avons eu besoin de plus d’unités de réanimation et de soins intensifs. À la Timone, on a été pendant quinze jours obligé de complètement arrêter la chirurgie programmée pour libérer de la place en réanimation. C’est la première fois que je vois ça. Malheureusement, on se retrouve parfois dans une situation où quand ça devient sérieux, on n’arrive pas à prendre en charge tous les patients.
Comment faites-vous pour assurer malgré toute la continuité des soins ?
Quand la réanimation pédiatrique n’est plus capable de prendre en charge de nouveaux patients, les services peuvent organiser des transports vers d’autres villes. Mais c’est une toute petite activité. Il n’y a que 33 services de réanimation pédiatrique en France. Dans notre cas, il nous faut envoyer les patients à Nice, à Nîmes, à Montpellier voire plus loin, à Lyon ou à Grenoble. À Marseille, nous sommes reconnus comme centre de référence pour les maladies cardiaques, ce qui n’est pas le cas de Nice. Récemment, un patient niçois a attendu plusieurs jours une place à Marseille qu’il n’a jamais eue. Il a fini par être transféré à Lyon. C’est une énorme problématique.
Parfois, les services sont obligés de garder les jeunes patients instables et croisent les doigts. C’est arrivé dans plusieurs hôpitaux cet hiver. Un enfant qui aurait besoin d’un support ventilatoire va rester dans le service où il est pris en charge sans aller en réanimation en espérant qu’il ne se dégrade pas. On met ainsi des services en grande difficulté. Car une fois un certain seuil de gravité atteint, le personnel n’est plus adapté. On n’a pas à déplorer de catastrophe pour l’instant mais on prend des risques majeurs.
De quels moyens manquez-vous ?
À Marseille on manque depuis bien longtemps de lits en réanimation pédiatrique. Chaque année, on annule une soixantaine d’interventions chirurgicales le jour même pour libérer des places. Qui plus est, un des deux sites de réanimation pédiatrique de Marseille a été fermé. Ce site avait cinq lits, seulement deux ont été rouverts chez nous.
Pour augmenter le nombre de lits, il manque aussi du personnel médical et paramédical. Il faudrait davantage d’anesthésistes-réanimateurs en pédiatrie pour permettre l’augmentation de l’activité du bloc opératoire et de la réanimation. Mais aujourd’hui, c’est difficile de trouver des médecins.
Nous manquons aussi d’infirmières. Jusqu’à l’année dernière, on arrivait à recruter mais depuis quelques mois plusieurs postes sont vacants. En février, nous allons être contraints de fermer deux lits faute de personnel paramédical. C’est catastrophique. Si l’épidémie de grippe est sévère, on ne sait pas comment on va pouvoir y répondre.
Le recours à l'intérim est-il une solution ?
La réanimation pédiatrique est une activité trop pointue pour faire appel à l’intérim. Ce sont des techniques, des machines, des risques médicamenteux trop particuliers. À titre d’illustration, une infirmière qui vient travailler chez nous doit suivre huit semaines de formation. Chez les médecins aussi l’intérim est très difficile. On ne prend que ceux qu’on connaît et on ne recrute pas pour une journée ou deux.
L’attractivité nous inquiète énormément. Plus personne ne veut venir travailler dans ces conditions. On est mal payé, en particulier les infirmières, nos organisations sont complexes et manquent de souplesse. Les gens donnent énormément sans rien recevoir en retour. On se demande jusque quand cela va tenir.
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