Alors qu'a lieu ce mardi 17 décembre une nouvelle manifestation nationale pour défendre l'hôpital public, les services de pédiatrie d'Ile-de-France – urgences, réanimation, SMUR, hospitalisation conventionnelle – dénoncent leurs conditions de travail depuis le début de l'épidémie hivernale de bronchiolite. Ils réclament par la voix du collectif inter-hôpitaux (CIH), dont ils sont membres, des moyens humains et une revalorisation des salaires afin de rendre leurs services plus attractifs.
Les services pédiatriques franciliens sont dans la tourmente depuis quelques mois. Déjà, mi-octobre, une vingtaine de chefs de service s'alarmaient du manque de bras et craignaient que ces conditions défavorables ne débouchent sur une crise sanitaire. Dans une tribune publiée le 1er décembre dans « le Monde », 150 chefs de pôle et directeurs médicaux ont dénoncé « l'incendie qui ravage l'hôpital ».
Ce scénario noir n'est plus si hypothétique. Depuis six semaines, ces services accusent le choc des flux liés à l'épidémie hivernale de bronchiolite. À l’issue du premier pic mi-décembre, la saturation des urgences et le manque de bras dans les services ont conduit aux transferts de 25 nourrissons à plus de 200 km de l'Ile-de-France, dans les CHU de Rouen ou de Caen contre quatre cas l'année dernière. Une anomalie pour les pédiatres d'autant plus que l'épidémie est jugée « modérée », par rapport aux trois dernières années.
Burn-out, difficultés à recruter
Pour le Dr Noëlla Lodé, responsable SMUR de l'hôpital Robert-Debré à Paris et représentante des cinq SMUR pédiatriques d'Ile-de-France, cette situation pèse sur toute la chaîne de prise en charge. « La saturation du système en Ile-de-France nous pousse à transférer les enfants dans un SMUR médicalisé avec un besoin d'assistance respiratoire, détaille-t-elle. Cela mobilise du temps au détriment d'autres urgences pédiatriques. Pour le retour, c'est une ambulance qui transporte l'enfant avec une infirmière formée. Ces prises en charge mettent en tension toute la chaîne pédiatrique. »
Les praticiens, eux, ont déjà constaté plusieurs dysfonctionnements : les difficultés de recrutement et de fidélisation des personnels ainsi que le manque de lits. « Certains hôpitaux arrivent à absorber le flux de patients au prix d'une qualité de soins suboptimale. On joue avec des situations inacceptables », commente le Dr Laurent Dupic, praticien hospitalier en réanimation pédiatrique à l'hôpital Necker-Enfants malades (AP-HP).
En pédiatrie, le personnel paramédical est spécifiquement formé à la prise en charge de la jeune patientèle. Les problèmes d'effectifs causent la fermeture de lits et, de facto, un allongement des délais de prise en charge encore plus marqué en période d'épidémie. « Le délai de transfert est bien plus long et mobilise les personnels, déjà débordés, explique pour sa part le Dr Simon Escoda, chef de service des urgences pédiatriques et de la pédiatrie au CH de Saint-Denis. Les enfants sont aussi hospitalisés dans des unités ou ils n'ont pas leur place » comme les unités de réanimations adulte.
Cette organisation défaillante joue sur le moral des troupes. À l'hôpital Trousseau (AP-HP), les équipes sont sur les rotules. Elles attendent un signal fort du gouvernement. « Les équipes sont sous tension à cause de la carence d'infirmières. Le travail s'accumule sur les autres membres de l'équipe. Au bout de la chaîne, c'est le burn-out qui nous attend, commente le Pr Pierre-Louis Léger, chef de service de réanimation pédiatrique et néonatalité, également responsable et coordinateur du CIH de l'établissement. On craint que l'année prochaine, ça ne soit pareil si l'on ne trouve pas de solutions. »
Le cri d'alarme semble avoir été entendu par Agnès Buzyn. La ministre de la Santé a lancé il y a une dizaine de jours une mission flash d'appui de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS), pour faire un état des lieux de la situation et de l’organisation de la pédiatrie aiguë francilienne. Elle devrait émettre des préconisations cette semaine pour résorber les tensions et optimiser la couverture des besoins de la population pédiatrique de la région.
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