Valorisation du médecin traitant

Le nouveau forfait patientèle devra faire ses preuves

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Publié le 11/01/2018
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Aux oubliettes les diverses rémunérations forfaitaires auxquelles les médecins traitants s'étaient habitués… À la faveur de la convention 2016/2021, un forfait patientèle unique (FPMT) vient remplacer l'existant – la majoration personnes âgées (MPA, 5 euros par acte pour les plus de 80 ans), le forfait médecin traitant (FMT, 5 euros par an et par patient hors ALD), la rémunération médecin traitant (RMT, 40 euros par an et par patient pour le suivi des ALD) et celle du volet de synthèse médicale de la rémunération sur objectifs (ROSP).

Calculé annuellement (année civile), réservé aux médecins traitants de secteur I ou adhérant à l'option de pratique tarifaire maîtrisée (OPTAM), ce forfait patientèle unique est indexé sur les caractéristiques de la patientèle (âge, pathologie, précarité). Il fera l'objet d'un premier versement au cours du premier semestre 2018

Majoration de précarité

Tous les patients ayant déclaré le praticien comme médecin traitant sont pris en compte. En pratique, le forfait patientèle est de  6 euros pour un enfant âgé de 0 à 6 ans et de 5 euros pour un patient de 7 à 79 ans (hors ALD), cas le plus fréquent. Pour les patients en ALD et pour ceux âgés de plus de 80 ans, le forfait grimpe à 42 euros. Enfin, un patient complexe de plus de 80 ans ET en ALD ans est valorisé forfaitairement à hauteur de 70 euros. Une majoration de précarité s'ajoute en fonction de la part des patients en CMU-C. Par exemple, un généraliste qui à 15 % de sa patientèle en CMU-C voit son forfait patientèle augmenté de 4 %. 

Cette unification est-elle susceptible de changer la donne ? Les médecins devront faire leurs calculs selon leur profil de patientèle.

La valorisation de la prise en charge des patients complexes, notamment ceux de plus de 80 ans et en ALD, peut avoir un effet incitatif. « Ce forfait à 70 euros est intéressant, assure le Dr Jacques Battistoni, président de MG France, syndicat qui a milité en faveur d'un forfait spécifique indexé sur la patientèle. Cela souligne la notion de médecin traitant et le suivi au long cours de ces patients. » Selon le chef de file de MG France, ce montant de 70 euros pourrait concerner 50 à 100 patients selon les généralistes, « un complément de revenu appréciable ».

Système pervers ?

D'autres leaders sont beaucoup plus sceptiques. Le Dr Claude Bronner, président d'Union Généraliste (UG, branche de la FMF), a fait ses comptes. Le remplacement de la MPA par un forfait de 42 euros pour les plus de 80 ans (sans ALD) et de 70 euros pour les octogénaires en ALD rendrait le médecin « perdant par rapport à la situation antérieure », dès qu'il réalise plus de huit actes. « Jusqu'à l'année dernière, pour un patient de 80 ans en ALD, le généraliste touchait 5 euros par acte de MPA, en plus de la RMT à 40 euros, soit 340 euros pour dix actes dans l'année, désormais, il touchera 320 euros, c'est-à-dire dix consultations plus le forfait à 70 euros », calcule le Dr Bronner, qui y voit même une « perversité » du système. Cela pourrait rendre économiquement rentable, selon lui, le renvoi d'actes vers les associés non-médecins traitants dans le cas d'un cabinet de groupe.

La simplification ne sera pas forcément au rendez-vous. Pour toucher le forfait patientèle, le médecin doit s'assurer qu'il est dûment déclaré comme médecin traitant, en particulier pour les enfants. « Beaucoup de médecins oublient de le faire, met en garde le Dr Luc Duquesnel, président des Généralistes CSMF. Cela est souvent lié aux logiciels métier, pas toujours à jour, il faut faire attention. » Car une fois le versement reçu, « difficile de savoir à quoi correspond la somme versée et si elle est correcte », met en garde le Dr Duquesnel. « Même si cela est simplifié, il y a encore beaucoup de complexité », ironise-t-il.

Le doute persiste également du côté du SML. « Le fait de regrouper plusieurs forfaits et majorations est positif mais la convention en général reste une usine à gaz », estime le Dr Christine Bertin-Belot, secrétaire générale. Quant à savoir si le résultat financier sera positif pour les généralistes, le syndicat préfère attendre fin 2018 pour tirer ses conclusions...

L'assurance-maladie assure que le montant moyen estimé du nouveau forfait patientèle sera de 15 100 euros par médecin traitant, un peu au-delà de ce que les généralistes de secteur I touchaient auparavant (13 800 euros en moyenne) à la faveur de l'ancien système en vigueur. Un effet légèrement favorable que chaque médecin jugera sur pièces. 

Marie Foult

Source : Le Quotidien du médecin: 9630