Le message, en tête du document, est clair : « stop au sexisme à l’hôpital ». Lancé à l’initiative de l’association nationale Pour une M.E.U.F – acronyme de Médecine engagée, unie et féministe –, le violenthospit’omètre invite à repérer les violences sexistes et sexuelles subies à l’hôpital.
« Cet outil n’est pas destiné à la patientèle mais à tout le personnel exerçant en milieu hospitalier, expose Maya, médecin et membre de l’association, qui s’exprime sous pseudonyme. Nous nous adressons à nos pairs pour partager une vision plus juste, plus féministe et plus égalitaire dans le secteur du soin. » Le collectif, qui réunit 200 professionnels de santé, dont une moitié de médecins et près d’un quart de sages-femmes, s’est appuyé sur les retours de syndicats d’étudiants en médecine, dont l’Anemf et les jeunes généralistes du SNJMG, pour développer ce dispositif. « Sa création vient de notre initiative mais nous souhaitions nous allier à d’autres structures sans doute plus ancrées dans le milieu hospitalier, parce que toutes les membres de l’association n’y travaillent pas forcément », confirme Maya.
Une mise en application timide
Inspiré du Violentomètre, cet outil utilisé depuis 2018 pour repérer les violences conjugales dans la société, la version hospitalière classifie des situations selon un code couleur allant du vert, pour un « environnement professionnel égalitaire », au rouge, dans le cas de « harcèlement sexuel, agressions sexuelles et viols ».
Mais dans le secteur de la santé, sa mise en application reste timide. « Nous le diffusons depuis près d’un an, précise Maya. Au début, il circulait via nos newsletters, mais à notre connaissance, peu de personnes s’en sont saisies et nous n’avons pas vraiment eu de relais ni de retours. Nous n’avons pas non plus eu les moyens de financer une large diffusion papier. » Téléchargeable sur le site de l’association pour impression (disponible au format PDF ici), l’outil peut être affiché dans les salles de service, bureaux et salles de pause. « Ce genre d’affichage peut faire un peu peur : on peut se dire que si le document est là, c’est que des violences se produisent sur place, et ce n’est pas forcément facile de s’en emparer », confie la médecin.
D’autres outils ont été mis en place par l’association depuis sa création, début 2017. Parmi eux, des ateliers sur les violences et le harcèlement dans le milieu du soin dispensés en faculté de médecine, qui consistent à analyser concrètement les situations vécues par les participantes, et à transmettre des outils pour y répondre : repartie verbale, techniques d’autodéfense, comportement à adopter face à une situation vécue en tant que victime ou témoin.
« Pas une fatalité »
« Les témoignages que nous recueillons font surtout état de remarques qui font penser à du harcèlement sexuel et à de l’outrage, constate Sophie, médecin et membre du syndicat SNJMG. Dans les cas les plus fréquents, des internes ou des médecins ayant passé leur thèse commentent le physique ou la tenue des plus jeunes, leur lancent des commentaires inappropriés sous couvert d’humour, ce qui alimente une culture carabine, souvent dans un contexte festif, ou en salle de garde. »
« Il y a en effet des choses qui reviennent systématiquement, conclut Maya : du harcèlement moral et des humiliations en plus de violences sexistes et sexuelles (VSS). C’est un problème très répandu, mis en avant dans toutes les enquêtes de recherche et par les sondages de syndicats étudiants, chez les infirmiers, les kinés, les sages-femmes et les médecins. Ça fait du bien aux personnes que nous accompagnons d’être crues, ça donne de l’air, un peu d’espoir, et la compréhension que ces situations ne constituent pas une fatalité. »
Un plan d’actions anti-VSS insuffisant
Le 17 janvier, le ministère de la Santé annonçait un plan d’actions contre les violences sexistes et sexuelles, dont le lancement d’un Observatoire des VSS dans le secteur de la santé. L’objectif : « contrer une culture spécifique au monde de la santé qui a pu privilégier l’omerta et le silence ». L’association Pour une M.E.U.F considère que l’initiative est encourageante mais que les actions concrètes doivent rester prioritaires. « Ces violences existent depuis très longtemps et sont dénoncées depuis tout aussi longtemps, rapporte Maya. Aujourd’hui nous cherchons à obtenir davantage de moyens à déployer sur le terrain, plutôt que de nouveaux constats. » En plus du lancement de l’Observatoire, le plan annoncé par Yannick Neuder prévoit, entre autres, la mise en place de référents pouvant intervenir dans chaque groupement hospitalier de territoire (GHT). Fin 2024, une première enquête de l’Ordre des médecins indiquait que 54 % des femmes médecins ont déjà subi outrages, harcèlements, agressions ou viols, le plus souvent lors de leur parcours étudiant. Trois ans plus tôt, l’ANEMF menait une enquête similaire et rapportait que 49,7 % des femmes médecins affirmaient avoir subi des remarques sexistes lors de leur stage.
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