L'équipe de psychiatrie de l'établissement public de santé (EPS) Roger Prévot de Moisselles (Val d'Oise) a eu besoin de cinq pages pour exprimer le malaise qu'elle ressent. Dans une longue lettre ouverte publiée sur Mediapart lundi 18 novembre et envoyé à leur direction et aux tutelles sanitaires, quelques jours après une violente agression, les personnels de cet établissement spécialisé ont exprimé avec force les difficultés qu'ils rencontrent au quotidien. Le titre donné au courrier reflète bien le mal-être qui les touche : « Pour ne plus subir. »
L'élément déclencheur a eu lieu le 14 novembre dans la soirée. Le fils d'un patient hospitalisé depuis l'après-midi s'en est pris, sans raison apparente, à deux infirmiers de l'équipe. D'abord verbalement, l'homme a ensuite agressé physiquement l'un des professionnels. « Il lui a assené plusieurs coups de poing avant de l'étrangler », raconte le Dr Mathieu Bellahsen, chef de pôle. Il a fallu l'intervention d'un patient, appelé au secours, pour faire s'arrêter l'assaillant, qui s'est aussitôt enfui en courant. « La pièce est recouverte de sang, sans l'aide du patient, notre collègue y serait passé », assure le psychiatre.
La victime s'en tire avec des dents cassées et cinq jours d'incapacité totale de travail (ITT). L'agresseur quant à lui n'a pas donné les raisons de son passage à l'acte. Les deux infirmiers ont déposé plainte alors que le reste du personnel et certains patients se disent « traumatisés ». Dès le lendemain, le CHSCT de l'établissement a fait valoir un droit de retrait. Mais en raison du manque d'effectif, les soignants ne peuvent l'appliquer.
Un système fou et absurde
Pour le Dr Mathieu Bellahsen, cet événement est le résultat d'un manque de moyens criant à l'hôpital. « Nous sommes en sous-effectif depuis plusieurs semaines, ce soir-là, seul quatre paramédicaux étaient présents sur cinq, explique le praticien de 38 ans, au moment de l'agression, les deux autres collègues étaient à l'autre bout de l'unité en train de calmer les convulsions d'un patient et n'ont pas pu intervenir ». Déjà l'année passée, le service avait connu un passage à l'acte similaire.
Cette fois était celle de trop. Les équipes ont décidé d'écrire une lettre ouverte au ministère, à l'Agence régionale de santé (ARS), à la direction de l'établissement ainsi qu'aux médias pour tenter de créer « une prise de conscience générale ». En cinq pages, les soignants décrivent des conditions de travail rendues de plus en plus difficiles par « la folie et l'absurdité du système » de santé qui contraint les soignants à « choisir − donc trier − les personnes à soigner ».
Alors que le jour de l'agression avait lieu une grande manifestation de blouses blanches en faveur de l'hôpital public et que les médecins et personnels de l'EPS Roger Prévot ont suspendu depuis plusieurs mois leur participation aux instances de l'établissement, les auteurs de la lettre s'interrogent : « Faut-il que nous attendions passivement le prochain drame ? »
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