Plus exposés à des horaires intenses ou/et décalés, à des contraintes diverses, mais aussi à la détresse des autres… Les salariés des hôpitaux exercent dans des conditions de travail plus dures que le reste des salariés français, documente une étude de la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees).
Pire, la situation s’est dégradée entre 2016 et 2019, avec des niveaux d'exposition aux contraintes et risques psychosociaux particulièrement élevés. Ainsi, avant même la crise sanitaire, 60 % des médecins hospitaliers indiquaient « travailler sous pression », contre 53 % trois ans plus tôt. Une proportion qui touche même 65 % de infirmiers et sage-femmes. Dans les autres secteurs économiques de la société, seuls 34 % des salariés déclarent devoir travailler sous pression.
Sans surprise, la quantité de travail et l’intensité des journées est perçue comme nettement plus intense à l’hôpital que dans d’autres secteurs d’activité. Devoir « systématiquement se dépêcher », être interrompu fréquemment pour des taches non prévues ou encore travailler de nuit sont plus fréquemment rapportés par les hospitaliers – infirmières, sage-femme et aide-soignant en tête. A profession égale, l’hôpital semble être le lieu privilégié de ces pressions temporelles : « par exemple, 65 % des aides-soignants salariés d’établissements hospitaliers déclarent devoir toujours ou souvent se dépêcher, contre 44 % des aides-soignants qui ne travaillent pas à l’hôpital », précise ainsi la Drees.

Charge émotionnelle
Depuis 2016, la charge émotionnelle liée à l’exercice hospitalier s’est aussi aggravée chez les soignants. Ils sont de plus et plus nombreux à devoir mettre de côté leurs sentiments. 39 % affirment ainsi cacher leurs émotions, soit 10 points de plus qu’en 2016. Cette charge émotionnelle est marquée par le fait de penser souvent au travail à la maison : 7 médecins sur 10 le font, 54 % des infirmiers et de sage-femmes.
Plus généralement, la frontière entre vie privée et vie professionnelle s’érode. « Alors que 17 % des salariés tous secteurs confondus déclarent que leurs horaires ne s’accordent pas bien ou pas du tout avec les engagements sociaux et familiaux, ils sont 27 % dans le secteur hospitalier », confirme la Drees.
En dépit d’un sombre constat, les travaux de la Drees ouvrent quelques voies d’espoir. Côté entraide par exemple, les hospitaliers font nettement mieux que le reste des Français ! Ainsi, 92 % des soignants estiment qu’ils peuvent compter sur l’aide de leurs collègues en cas de difficultés à accomplir une tâche délicate, soit 10 points de plus que le reste des Français. Toutefois, cette entraide devient moins concluante lorsqu’il s’agit de demander de l’aide à son supérieur hiérarchique… Las, malgré l’entraide et le compagnonnage, les tensions au sein des équipes restent tout de même plus élevées à l’hôpital qu’ailleurs.
Perte de valeurs
En pleine crise des vocations hospitalières, l’étude de la Drees vient confirmer la perte de sens et de valeurs que subissent infirmières, sage-femmes et aides-soignants principalement. « Le décalage entre charge de travail, exigences associées au travail et moyens disponibles pour le réaliser est susceptible d’alimenter ces sentiments », avance la Drees. Avec 43 % des soignants qui disent les subir, les injonctions contradictoires se sont exacerbées à l’hôpital. 13 % d’entre eux affirment même devoir faire des choses qu’ils désapprouvent carrément.
Derrière ces chiffres, c’est le manque criant de moyens accordés à l’hôpital qui ressort. « Le sentiment de disposer de collègues en nombre suffisant diminue pour les médecins (-14 points sur la même période) », indique la Drees. Alors que le sentiment de reconnaissance est en baisse pour les soignants, ils sont surtout de moins en moins nombreux à vouloir exercer leur métier jusqu’à la retraite. Le nombre de médecins souhaitant exercer le même travail jusqu’à la fin de leur carrière est passé de 77 % en 2016, à 62 % en 2019. Plus grave : seuls 62 % des médecins se sentent capables physiquement et mentalement de continuer à travailler, soit 17 points de moins qu’il y a trois ans.

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