Le Blanc, Remiremont, Creil, ici la maternité, là les urgences… Sur tout le territoire, les exemples d'élus locaux engagés dans des bras de fer de plusieurs mois voire plusieurs années pour la survie d'un service ou d'un établissement ne manquent pas.
Une trentaine d'entre eux étaient réunis à Paris la semaine dernière à l'initiative de Nicolas Sansu, maire de Vierzon (Cher) et vice-président de l'Association des maires de France (AMF). L'édile communiste animait, avec Isabelle Maincion, maire de La Ville-aux-Clercs (Loir-et-Cher) et Bernard Vauriac, maire de Saint-Jory-de-Chalais (Dordogne) − pilotes de la commission santé de l'AMF −, une réunion de travail inédite sur les hôpitaux locaux.
L'ordre du jour ? La conduite à tenir face à l'avant-projet de loi santé, attendu en conseil des ministres le 13 février, qui inquiète fortement les élus locaux. Le gouvernement entend définir par ordonnances les missions de 600 nouveaux hôpitaux de proximité, établissements sans maternité ni chirurgie sur le papier. Les maires craignent que cette politique se traduise par des regroupements et des fermetures de services ou de structures, en clair une restructuration qui ne dit pas son nom.
Autre danger pour les petits hôpitaux : la future réforme du régime des autorisations, qui pourrait se concrétiser par un durcissement des seuils d'activité en chirurgie, en périnatalité, aux urgences et pour les soins critiques.
De tout cela, les élus n'en veulent pas. « Nos petits hôpitaux vont peu à peu se transformer en EHPAD », résume, amère, Jeanne Stoltz-Nawrot, maire de Husseren-Wesserling, commune de 1 000 âmes (Haut-Rhin). À 12 km de là, la maternité de Thann est menacée par un transfert des accouchements vers Mulhouse.
Des médecins démobilisés
Celle du Blanc a fermé en octobre dernier malgré sept années de lutte acharnée. La maire Annick Gombert ne décolère pas : « Des femmes sont contraintes d'accoucher sur le bord de la route ou dans le camion des pompiers ! », D'autres d'élus, comme ce maire d'une petite commune des Vosges, voient dans la recomposition sanitaire à venir un handicap supplémentaire pour attirer des médecins. « Comment vais-je pouvoir recruter un anesthésiste dans ma maternité si je ne peux plus lui proposer de travailler aussi aux urgences ? C'est un cercle vicieux ! »
Sur le terrain, certains édiles regrettent le manque de mobilisation des praticiens en exercice, pourtant essentielle. « Notre hôpital, ceux qui le défendent le moins bien sont les médecins, je suis écœuré », tance le maire de Saint-Claude (Jura), accusant certains médecins de faire passer « leurs intérêts professionnels personnels » devant la survie de leur établissement.
Dans le viseur des maires on retrouve enfin les fameux praticiens intérimaires, tenus pour responsables de la fermeture de plusieurs services d'urgences. « Les mercenaires nous mettent le couteau sous la gorge en faisant monter les enchères, accuse Marie-Claude Jarrot, maire de Montceau-les-Mines (Saône-et-Loire), c'est un véritable scandale ! »
Désir de justice
Isolés dans leur combat mais loin d'être découragés, les élus veulent reprendre la main sur l'hôpital public. Dans la salle, beaucoup de maires se disent nostalgiques de l'époque où ils présidaient le conseil d'administration de leur établissement, poste qui leur donnait un pouvoir décisionnaire. Outre l'interruption de toutes les fermetures de services, l'AMF demande donc « solennellement au gouvernement de redonner aux élus locaux une place de décision dans la gouvernance des hôpitaux ».
Dans certaines situations critiques, la colère est telle qu'elle engendre un fort désir de justice. En réponse à une proposition d'Annick Gombert, du Blanc, qui veut « porter plainte contre l'État pour mise en danger d'autrui », le maire de Vierzon suggère de « consolider les recours en justice » pour donner plus de poids aux démarches isolées. Jean-Claude Villemain approuve.
La semaine dernière, le maire de Creil n'a pu empêcher le déménagement de la maternité de son hôpital vers celui de Senlis, à 12 km. Les urgences sont en grève illimitée depuis jeudi en signe de protestation. Seule option pour l'élu : déposer deux recours devant le tribunal administratif pour annuler la décision. L'audience aura lieu le 19 février.
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