L’Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP) vient de rendre publiques les conclusions de l’enquête interne commandée à la suite du décès jusqu’ici inexpliqué d’une patiente de 61 ans aux urgences de Cochin, le 15 février dernier.
Le document, que s’est procuré le « Quotidien », retrace par le menu le temps écoulé entre l’arrivée dans le service de cette patiente, amenée à 16 h 30 par les pompiers pour « une blessure au pied par un morceau de verre » et son décès constaté par un médecin 6 h 40 plus tard.
À 16 h 48, l’infirmier d’organisation de l’accueil (IOA) ausculte la patiente et lui attribue un ordre de priorité 3 (sur cinq niveaux), selon l’échelle qui régit le « tri » des urgences. Les patients dont l’état requiert une prise en charge immédiate par un médecin reçoivent la priorité 1, ceux à voir en moins de 20 minutes, la priorité 2, ceux à voir en moins d’une heure, la priorité 3. Les patients de priorité 4 et 5 sont à examiner, respectivement, en moins de deux ou quatre heures. Ce jour-là, la patiente aurait donc dû être théoriquement examinée par un médecin avant 18 heures.
2,5 médecins pour 54 patients
Le rapport s’attarde aussi sur la relève entre les personnels de jour et de nuit, qui a pu jouer dans la « perte » de cette patiente pendant près de deux heures. De plus, ce samedi 15 février, à 18 heures, les 16 lits de l’unité d’hospitalisation de courte durée (UHCD) sont occupés alors que « l’objectif est que cette unité soit vide à 18 heures, en début de garde ». Le médecin senior en charge de l’unité est embolisé par le roulement des transferts de patients jusqu’à 3 heures du matin, « contrairement aux pratiques habituelles ».
Même si, ce soir-là, la situation en personnel est « conforme à ce qu’elle doit être », 2,5 médecins (équivalents temps plein) s’occupent de 54 personnes « peu avant l’heure où l’on recherche la patiente », autour de 21 h 30.
À cette heure-là, un externe cherche une première fois la patiente, en vain. Il donne le dossier à une interne, qui le transmet au médecin régulateur (pour s’occuper d’un autre patient). À ce stade, « la patiente est considérée comme sortie sans avis médical ». Interrogé, le cadre de nuit indiquera l’avoir « visualisée »,« semblant dormir, et vivante », entre 21 h 30 et 22 heures. Idem pour une aide-soignante entre 21 h 40 et 22 heures. Cette dernière, à 23 heures, constatera « que la patiente est blanche ».
Appelé, un médecin établit le décès dix minutes après. Le rapport est clair : « La patiente était entourée de quatre personnes dont aucune n’a fait spontanément mention d’une demande ou d’une plainte de cette dernière. »
Mort subite d’origine cardiaque
Ces faits démontrent un manque de communication flagrant entre les différents personnels, que le rapport pointe du doigt. L’échange du dossier entre l’interne et l’externe « dans un but de rapidité d’exécution a entraîné un moindre contrôle du senior », lit-on. Le problème d’identification du patient est aussi soulevé : le logiciel qui permet de localiser les patients, tous équipés d’un bracelet, n’est pas accessible aux juniors, ce dont les médecins seniors n’ont pas conscience. Autre « dysfonctionnement » : les diagnostics antérieurs n’étaient pas disponibles au moment de sa prise en charge.
Après analyse du dossier médical et scanner post-mortem, il est établi que la patiente serait décédée de « mort subite présumée d’origine cardiaque ».
Le rapport fournit une série de recommandations, qui relèvent toutes du bon sens… La plus pragmatique : « en l’absence de réponse à un appel nominal, les soignants vérifient un à un les bracelets des patients présents dans les zones de surveillance ». L’AP-HP a prévu de faire le point en mai 2014 sur l’organisation de ses services d’urgence.
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