LE QUOTIDIEN – Vous organisez jeudi prochain la 13e Journée nationale de l’hospitalisation à domicile. On dit l’HAD en plein essor depuis plusieurs années, son développement se poursuit-il ?
Dr ÉLISABETH HUBERT – Il se poursuit. Peut-être pas au rythme qui avait été imaginé il y a quelques années – en 2005, il avait été dit qu’il y aurait 15 000 places à l’horizon 2010 ; j’ai tendance à dire que cette affirmation ne reposait pas forcément sur un calcul très rationnel, c’était un chiffre rond, empirique – mais la croissance reste importante. Le nombre de places d’HAD [8 500 en 2008, NDLR] a doublé en trois ans. Nous sommes aujourd’hui présents dans tous les départements en terme d’autorisations (ce qui peut signifier localement que les structures seront effectivement opérationnelles dans 12 à 18 mois). Aucun grand territoire n’est plus exclu pour nous, ce qui est capital à l’heure des ARS [agences régionales de santé].
Le maillage est donc complet ?
Non. Tout cela ne veut pas dire que nous sommes pleinement satisfaits de notre présence sur le territoire. Nous restons très urbains et notre implantation est encore problématique dans les zones les plus rurales.
Vous allez opérer jeudi un « retour » sur la loi HPST. Commencez-vous à mesurer les effets de ce texte ?
C’est un peu tôt. Nous faisons partie de ceux qui ont été satisfaits des mesures arrêtées. Et je note qu’au niveau de la procédure réglementaire, nous sommes associés aux travaux. Je ne dis pas cela pour faire plaisir à Roselyne Bachelot mais parce que nous serions très ingrats de ne pas le relever. Jeudi, au cours de la table ronde que nous consacrons à la loi, nous allons expliquer à nos adhérents que des dispositifs existent désormais (les conférences régionales, les coopérations avec les professionnels libéraux, les communautés hospitalières de territoire…) et qu’il va falloir s’en saisir ! Nous poursuivrons ce faisant notre effort de professionnalisation. Car c’est ainsi que nous renforçons la relation de confiance que nous avons avec, par exemple, les hôpitaux. Or elle est essentielle : ils doivent savoir que quand ils nous confient des patients, ils le font dans des conditions de qualité et de sécurité absolue. Il y a encore trop de confusions, trop de craintes.
Des freins demeurent-ils au développement de l’HAD ?
Je crois qu’avec la loi HPST après d’autres textes, nous disposons désormais d’une boîte à outils. S’il reste des freins, ce sont des réticences d’ordre psychologique. L’assurance-maladie, par exemple, est parfois tentée de se demander s’il n’y a pas des choses qu’elle pourrait payer moins cher en SSIAD [services de soins infirmiers à domicile] ou si des médecins libéraux s’en chargeaient. À nous de lui apporter la preuve de notre crédibilité. Notre discours n’est vraiment plus « levez-nous des freins » ; il est devenu « laissez-nous montrer que nous sommes de qualité ».
Il s’est dit que la T2A (tarification à l’activité) était dissuasive dans la mesure où un malade qui sort de l’hôpital est moins « rémunérateur » pour l’institution. Est-ce vrai ?
Il faut que les hôpitaux comprennent que s’ils se séparent des patients que nous pouvons prendre en charge – souvent des patients lourds mais ne nécessitant presque plus d’actes « à valeur ajoutée » –, ils vont libérer des lits où ils pourront accueillir des patients recevant des soins plus techniques, lesquels patients sont sans doute plus attractifs pour des jeunes spécialistes, etc. On peut réamorcer ainsi un cercle vertueux !
De la même façon, les libéraux doivent comprendre que l’HAD ne fait pas ce que, eux, font, que nous n’empiétons pas sur leurs plates-bandes ni ne mettons sous l’étagère leurs principes libéraux.
Il y a un gros travail de pédagogie à effectuer rapidement. Et puis il s’agit pour nous de défendre – de façon exigeante, jamais frileuse – notre place entre, pour schématiser, les maisons de santé d’un côté et les communautés hospitalières de l’autre.
L’HAD est-elle jouable dans les déserts médicaux ?
Je réponds « non, sauf… ». À l’heure de l’e-santé (si l’on arrive à mettre en uvre des procédures de téléconsultation, de télé expertise...), à l’heure du partage des tâches entre les professionnels de santé, nous, HAD, pouvons être un joli terrain d’expérimentation. La FNEHAD a sorti avant l’été un livre blanc sur les systèmes d’information, expliquant par exemple ce qui peut être fait pour un patient en Lozère, au domicile duquel on installe des caméras, suivi par le centre anticancéreux de Montpellier. On est en train de démontrer que l’on peut travailler en équipe, en exercice coordonné et même que l’on pourrait assez vite expérimenter d’autres modes de rémunération que le paiement à l’acte – et je note que quand je dis cela, les syndicats médicaux ne m’arrachent pas les yeux… Comme nous sommes un peu différents, un peu nouveaux, comme nous sommes très hétérogènes, comme nous sommes « petits »... et comme nous sommes novateurs et envoyons un message très structurant, nous sommes un exemple qui intéresse. Les gens se disent : « Si en HAD, ils le font, qui peut le plus peut le moins ».
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