Les blocs opératoires vont-ils s'arrêter de tourner à partir du 1er janvier 2020 ? C'est ce que craignent l'Union des chirurgiens de France (UCDF) et le syndicat le BLOC. Ils ont à nouveau tiré la sonnette d'alarme ce jeudi 21 novembre sur une possible « paralysie », par manque de personnels qualifiés.
En cause, le décret du 27 janvier 2015 (suivi d'un arrêté) sur les actes exclusifs des infirmiers de bloc opératoire diplômés d'États (IBODE) qui court jusqu'à la fin de l'année. Celui-ci prévoit que l'installation chirurgicale du patient, la mise en place et la fixation des drains sus-aponévrotiques, la fermeture sous-cutanée et cutanée, et l'aide à l'exposition, à l'hémostase et à l'aspiration deviennent des actes exclusifs des infirmiers spécialisés. Par ailleurs, ils pourront, au cours d'une intervention chirurgicale, faire fonction d'assistance pour les sutures d'organes et de vaisseaux, la réduction d'une fracture, la pose d'un dispositif médical implantable et l'injection d'un produit à visée thérapeutique ou diagnostique. Les IBODE ont récemment manifesté pour demander que ces compétences leur soient reconnues.
Mais pour les chirurgiens, cela pose problème. Selon eux, ce sont majoritairement des infirmiers non spécialisés qui exercent ces actes aujourd'hui. « Il y a 15 000 infirmières de diplôme général qui exercent dans les blocs, à l'hôpital public ou en clinique, pour environ 9 000 IBODE, dont 7 000 dans le public. Dans la clinique où j'exerce [Croix du Sud, à Toulouse], il y a plus de 80 infirmières généralistes dans les blocs, pour seulement cinq IBODE. Il est impossible d'appliquer le décret dans ces conditions, cela pose un problème d'insécurité juridique », explique le Dr Philippe Cuq, président de l'UCDF et coprésident du BLOC.
Moyens financiers
Face aux protestations du secteur, le ministère a prévu des mesures transitoires. Les infirmières non IBODE des blocs pouvaient s'inscrire, jusqu'au 31 octobre 2019, pour passer une épreuve de vérification des connaissances leur permettant de continuer à exécuter les actes d'aide à l’exposition du patient, à l’hémostase et à l’aspiration.
« Sauf que ce sont seulement une partie des actes que nous réalisons au quotidien et de ceux prévus par le décret. On ne peut pas faire seulement la moitié du travail. C'est comme si on nous donnait le permis de conduire, mais qu'on ne pouvait pas freiner ! », s'indigne Sarah, infirmière de bloc depuis 15 ans à la clinique Croix du Sud.
« Je voudrais passer le diplôme d'IBODE, accessible au bout de deux ans d'expérience, mais la formation en école dure 18 mois et coûte cher. Avec 1 500 euros net de salaire, hors astreintes, je ne peux pas me le permettre », renchérit sa jeune collègue Nathalie, en poste depuis trois ans. Depuis 2015, un système de validation des acquis de l'expérience (VAE) est également mis en place, mais seulement 70 infirmières seraient passées par là pour obtenir un diplôme IBODE, estiment chirurgiens et paramédicaux.
Face à la pénurie qui s'annonce, le Dr Cuq demande au gouvernement de régler « ce nœud administratif » avant le 1er janvier 2020. « Et pour l'avenir, nous demandons que le délai de deux ans avant l'entrée en école IBODE soit supprimé. Une formation en alternance pourrait aussi être mise en place, estime le chirurgien vasculaire. Il faut aussi évaluer les besoins en IBODE et renforcer l'attractivité du métier. Cela nécessite des moyens financiers, mais quand on sort des milliards pour le système de santé, on peut bien donner quelques millions pour la formation des infirmières ! »
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