Protéger les hôpitaux publics en leur évitant des situations de concurrence directe avec des praticiens à temps partiel ou démissionnaires voulant exercer dans le privé, à proximité immédiate : c'est l'idée de la clause de non-concurrence inscrite dans la loi de santé, définitivement adoptée en juillet. Et qui fait bondir les représentants des PH.
L'amendement, défendu par Alain Milon, sénateur (LR) du Vaucluse, avait été adopté en commission mixte paritaire (CMP) avec l'accord de Thomas Mesnier, son homologue (LREM) à l'Assemblée nationale. « S'il convient de développer l'exercice partagé entre la médecine de ville et l'hôpital, il faut aussi prendre garde aux effets de concurrence qui pourraient en résulter au sein d'un territoire, au détriment de l'hôpital public », argumentait le sénateur.
En pratique, la mesure permet à un directeur d'établissement public, après avis du conseil de surveillance et de la commission médicale d'établissement (CME), d'interdire à certains PH à temps partiel ou démissionnaires d'exercer dans une structure privée à but lucratif, un cabinet libéral, un laboratoire de biologie médicale privé ou une officine de pharmacie. La durée d'interdiction est de deux ans maximum et s'applique dans un rayon de 10 km autour de l'hôpital. Un dispositif de non-concurrence issu de la loi HPST existait déjà en cas de départ d'un praticien d'un hôpital mais il n'était pas opérationnel...
En cas de non-respect, les praticiens peuvent se voir interdire l'exercice à temps partiel ou doivent s'acquitter d'une indemnité (pour chaque mois exercé dans l'établissement concurrent). Pour la Direction générale de l'offre de soins (DGOS, ministère), « cela permet de protéger les établissements sans constituer un frein au développement de l'exercice mixte ».
Repoussoir pour les jeunes
Loin de partager l'optimisme ministériel, les syndicats de PH jugent au contraire que ce verrou anticoncurrentiel est absurde. « Cette mesure est catastrophique pour l'attractivité des carrières médicales hospitalières », tranchent Action praticiens hôpital (APH) et Jeunes Médecins. « C'est un repoussoir pour tous les jeunes médecins qui ne sont pas sûrs du type d'exercice qu'ils veulent embrasser », souligne le Dr Renaud Péquignot, vice-président d'APH. Le gériatre est furieux. « Comment croire que des médecins vont accepter de se faire enchaîner à leur établissement ? », tonne-t-il.
La logique même de cette clause interroge le leader syndical. « Cela va à l'inverse des discours d'Agnès Buzyn qui souhaite développer l'exercice mixte ». Il y voit une offensive des avocats de la contrainte pour les PH. « Sans arrêt la coercition revient et à chaque fois, on explique que ce n'est pas aux médecins de payer 40 ans d'incurie gouvernementale ».
Le Dr Rachel Bocher, présidente de l'Intersyndicat national des PH (INPH), juge la réforme inutile. « Cela ne servira à rien, à part mettre de l'eau dans le gaz entre public et privé », estime-t-elle. La psychiatre nantaise plaide pour une réorganisation de la place du public et du privé dans le système de soins de manière à remédier à un état de « concurrence déloyale où l'hôpital public ramasse ce que le privé jette ».
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