Comme de nombreux secteurs, celui de la santé peut être vu comme un système avec des coûts basés sur les actes médicaux, et sur une efficience optimisée (le rapport efficacité sur coûts), à calculer. Encore faut-il savoir comment définir « efficacité » en santé.
Cette approche froide et partielle, glaciale même, laisse progressivement sa place à la « Value based healthcare » ou Valeur en santé notion décrite par Michael Porter dans The New England Journal of Medicine en 2010 (1). Cette seconde approche propose de mettre en regard les résultats qui importent aux patients (et non plus « la simple efficacité des soins ») et les coûts nécessaires à l’atteinte de ces résultats. Les coûts ne se basent donc plus sur quelques facteurs établis de manière unilatérale par le corps médical. Si cette Valeur en santé, au départ, se cantonne surtout aux établissements de santé, elle a le mérite de se baser sur l’ensemble des besoins des patients. Et dans ce cadre, le terme horrible de « prise en charge du patient » qui transforme le malade en « poids », vole en éclat au profit « d’accompagnement du patient » dans lequel la notion de guide remplace celle de porteur de choses lourdes.
L’hôpital ne se résume plus au soin
Dans la même mouvance, on parle de plus en plus de l’expérience patient dans les établissements de santé. De nombreuses initiatives plus étonnantes les unes que les autres voient le jour depuis quelques années. Ne serait-ce que parmi les projets mis en lumière par le collectif Femmes de santé, on peut citer Lowpital, qui fait débouler des « citoyens lambda » dans les services hospitaliers afin d’observer, de pointer les dysfonctionnements et de trouver des solutions utiles et peu coûteuses (comme la transformation d’un appareil IRM en sous-marin dans un service pédiatrique… Bye-bye crises de larmes de nos chers bambins). Je vous parle aussi d’Aïda, l’association grâce à laquelle des milliers de jeunes bénévoles visitent leurs jeunes camarades hospitalisés. Je peux aussi évoquer le stress et la douleur de l’enfant, compris et accompagnés par l’association Sparadra, ou encore Le rire médecin qui fait intervenir des clowns en services pédiatriques… La liste est longue, l’hôpital ne se résume plus uniquement au soin
Plusieurs nouvelles structures « d’accompagnement » (j’évite « prise en charge », vous l’aurez compris), qui ne sont pas des établissements de santé au sens strict, proposent aux personnes malades, des activités connexes non médicales mais encadrées par des médecins. Ces activités répondent à de réels besoins de répit et d’accompagnement. L’adjectif « connexe » qualifie mal ces activités car il les place sur le côté, alors qu’elles devraient être complètement intégrées dans le parcours de soin, et donc financées. Je parle ici de rendez-vous avec des psychologues ou des nutritionnistes lors de l’accompagnement de l’infertilité ; avec des sophrologues pour supporter des traitements lourds ou encore d’ateliers avec une cheffe pâtissière, pour retrouver le goût (à la vie ?) entre deux chimiothérapies.
Quant à l’Après-soins, c’est le plus difficile : on se retrouve seule sans l’équipe médicale. Que l’on passe par l'association Skin qui permet la création d’une « nouvelle peau » après un cancer grâce à la création d’une œuvre d’art en binôme avec un artiste, ou par A Chacun son Everest, dont la fondatrice (médecin, première femme française à avoir franchi l’Everest) aide les femmes en rémission d'un cancer du sein à gravir des sommets, ou encore par le tatouage sécurisé de reconstitution 3D du mamelon après une mastectomie… Toutes les anciennes patientes le disent : la vraie guérison passe par une reconstruction de soi. Une vraie guérison… qui ne débouche pas sur une dépression. Là encore, la Valeur en santé prend tout son sens.
Bien évidemment, ces activités connexes ne sont pas « prises en charge » (cette fois, je pèse mes mots !) par l’Assurance Maladie. Des études sur des cohortes de centaines de patients sont en cours dans des Instituts de renom et des centres de santé dédiés à la santé de la femme. Aucun doute que les premiers résultats prouvent et prouveront encore le bien-fondé et finalement l’économie pour la société, « la vraie valeur » d’une santé qui intègre tout et qu’on peut qualifier, cette fois correctement, d’holistique. Car c’est en s’occupant de manière pertinente et globale du patient et de son entourage, que l’on fera de réelles économies de santé sur le long terme, voire que nous créerons de la valeur par le biais de cercles vertueux. Reste enfin aux pouvoirs publics de s’emparer et de reconnaître ces activités lorsqu’elles sont encadrées.
Exergue : C’est en s’occupant de manière pertinente et globale du patient, que l’on fera de réelles économies sur le long terme
(1) https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/nejmp1011024
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