La communauté médicale parisienne est en émoi, depuis qu’a été révélée l’existence d’un fichier secret recensant l’activité des chirurgiens à l’hôpital européen Georges-Pompidou (HEGP). Le directeur général de l’AP-HP (Assistance publique-Hôpitaux de Paris) s’est fendu d’un courrier à l’ensemble du personnel, pour désamorcer le conflit et apporter son soutien à la directrice l’HEGP.
Martin Hirsch dénonce tout à la fois les « tentatives de déstabilisation » de l’HEGP, les « mises en cause personnelles et offensantes » visant la directrice de l’HEGP, le président de la CME et le doyen, et les « procédés inacceptables » comme le piratage de la messagerie de la directrice de Pompidou, Anne Costa.
Surveiller l’activité pour mieux réallouer les ressources
Sur le fond de l’affaire – l’existence d’un tel fichier nominatif est-elle légale ? –, Martin Hirsch indique qu’il a demandé à la direction juridique de l’AP-HP de vérifier que la loi « Informatique et liberté » a bien été respectée. En cas de non-conformité, le fichier sera régularisé, promet-il. « La connaissance fine de l’activité peut contribuer à améliorer de façon transparente l’allocation des ressources à l’hôpital », ajoute le DG.
« Il est inacceptable d’exploiter un document de travail, récupéré probablement de manière frauduleuse, pour alimenter des attaques personnelles déplacées », écrit encore Martin Hirsch, qui appelle le personnel à retrouver le « sens de l’intérêt général » pour que l’hôpital continue sa mission.
La directrice de l’HEGP a qualifié par mail certains chirurgiens de « faiblards », après avoir surligné leur nom d’une couleur jaune indiquant que leur activité n’était pas satisfaisante. Inacceptable, cela aussi ? Le DG de l’AP-HP se garde bien de tout commentaire à ce propos.
La Commission médicale d’établissement de Pompidou s’est réunie hier soir. La direction de l’hôpital a indiqué que les données nominatives ont été extraites à partir de fichiers déclarés à la CNIL (un logiciel de gestion de rendez-vous et un logiciel de gestion des dossiers patients). « Ces fichiers ne reflètent pas notre activité réelle. Pour beaucoup d’entre nous, les chiffres sont faux, gronde ce médecin. Et puis tout dépend de l’usage qu’on en fait ensuite. »
Le feu couve et les syndicats s’en mêlent
Six chirurgiens ont porté plainte au pénal. Leur avocat n’exclut pas de déposer une nouvelle plainte dans trois mois, avec constitution de partie civile cette fois, ce qui lui permettra d’accéder directement aux éléments de l’enquête.
Le syndicat des chirurgiens des hôpitaux de Paris a de son côté saisi la CNIL, qui a transféré le dossier au bureau des plaintes. Le syndicat a choisi un avocat spécialisé en droit de l’informatique pour défendre ses intérêts. Il songe à se porter partie civile pour soutenir les chirurgiens de l’HEGP ciblés par des commentaires peu élogieux. Alain Faye, secrétaire général du syndicat des chirurgiens de l’AP-HP, précise : « Des noms de confrères ont été surlignés en bleu, leur activité est soi-disant correcte, mais la directrice ajoute que tel ou tel ne réalise pas personnellement toutes les interventions. La directrice insinue qu’il y a des chirurgiens tricheurs. Si tel est le cas, cela ouvre une question médico-légale : qui rédige le compte-rendu opératoire ? Qui assume la responsabilité de l’opération ? Des groupes de patients pourraient s’alarmer de ce type de pratiques couvertes par l’administration. Cette histoire va aller très loin. »
L’intersyndicale des médecins de l’AP-HP, qui représente l’ensemble des praticiens des 37 hôpitaux, s’est réunie le 7 avril. Elle s’est également émue de la situation, et apporte son soutien aux chirurgiens qui ont saisi le procureur. « Nous savons ce que nous valons, c’est pourquoi nous sommes fortes têtes. Ce n’est pas à la direction qui ne connaît rien à la chirurgie et à la médecine de porter des jugements de valeur sur notre activité », s’enflamme un chirurgien.
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