Le 3e CHU de France fait l’objet d’un rapport accablant. Un de plus. Sur commande de Marisol Touraine, l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) a inspecté les Hôpitaux de Marseille de la cave au grenier. Les dérives se comptent à tous les étages à l’Assistance publique-Hôpitaux de Marseille (AP-HM).
Et l’IGAS de dénoncer, pêle-mêle, les archives gérées « de manière archaïque », l’organisation du circuit du médicament, « perfectible », la difficulté à compter les effectifs en l’absence de tableaux des emplois, « l’échec du dossier patient informatisé », « le manque de fiabilité des comptes », les charges de personnels non maîtrisées...
L’influence excessive de FO santé pointée du doigt
Pas un aspect de la vie hospitalière n’est épargné par la critique. Le tout sur fond de forte influence syndicale (FO santé est très implanté à l’AP-HM depuis des lustres - l’IGAS parle de « clientélisme ») et de relations troubles avec les élus locaux. « La bonne distance entre la mairie et les instances de l’AP-HM n’est toujours pas trouvée », écrivent ainsi les inspecteurs généraux.
Le large recours aux cabinets de conseil et d’audit (plus de 700 000 euros dépensés en 18 mois) est relevé. L’IGAS s’interroge par exemple sur la pertinence des 80 000 euros engloutis dans une mission d’accompagnement pour la constitution d’une communauté hospitalière de territoire avec les hôpitaux d’Aubagne et de Martigues.
14 000 euros de bonus annuel pour des informaticiens aux compétences limitées
La gestion des ressources humaines est particulièrement attaquée. L’IGAS prône un recours à « la légalité la plus stricte ». « Il doit être mis fin aux procédures de recrutement ou de reclassement atypiques gérées au détriment des intérêts de l’AP-HM. » Des rémunérations « exorbitantes » sont dénoncées. Au service informatique, le personnel, plus âgé et moins qualifié que dans la plupart des CHU, a bénéficié d’augmentations individuelles allant jusqu’à 14 000 euros annuels sans justification réglementaire.
Une information entre direction et médecins qui manque de fluidité
La politique médicale n’échappe pas aux mises en cause. L’AP-HM, engagée dans un important travail de restructuration, n’a pas poussé la réflexion assez loin, selon l’IGAS, qui s’interroge, entre autres, sur « l’opportunité de maintenir deux services de chirurgie pédiatrique ». « À moyen terme, la fusion des sites du centre Timone et Conception doit être réalisée », lit-on dans le rapport. Le poids du président de la CME (le Pr Guy Moulin, président de la Conférence des présidents de CME de CHU) est jugé excessif : « Il ne peut constituer l’unique vecteur de communication entre les médecins et la direction. »
Et l’IGAS de conclure, après ce long réquisitoire : « Le pilotage [de l’AP-HM] doit être pleinement assuré par la direction générale dans un cadre d’autorité normal. »
Interrogé par « le Magazine de la santé », ce 29 octobre, sur France 5, Jean-Jacques Romatet, DG de l’AP-HM, a expliqué avoir pris diverses mesures depuis sa nomination en 2013 pour assainir la gestion du CHU. Le clientélisme, assure-t-il, n’a plus cours pour le recrutement du personnel. Le directeur général a cependant reconnu que de nombreux problèmes persistent. Le retour à l’équilibre financier des hôpitaux de Marseille, endettés à hauteur d’un milliard d’euros, prendra de longues années, a-t-il observé.
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