Benjamin (Vincent Lacoste), 23 ans, débarque dans le service de médecine interne d’un grand hôpital parisien. Perdu dans sa blouse taille 4, lâché par son père le Pr Barois (Jacques Gamblin), éminent patron dudit service, la première ponction lombaire se solde par un échec qui ébranle ses certitudes et sa confiance en lui. Ce n’est que le début de son chaotique apprentissage. Encadré par Abdel (Reda Kateb), médecin algérien « faisant fonction d’interne », le Dr Denormandy (Marianne Denicourt), ses co-internes et les infirmiers, Benjamin est rapidement confronté à l’erreur médicale, à la fin de vie, au manque de moyens, à l’incompréhension des patients et de leurs proches, à la culpabilité et à la gravité du serment d’Hippocrate.
Il découvre aussi l’humanité de l’hôpital : la solidarité entre soignants, les rites et soirées potaches de la salle de garde, les instants de communion autour d’une cigarette entre internes, à disserter sur l’héroïsme du métier de réanimateur, versus l’écoute bienveillante de l’interniste.
L’hôpital du côté des soignants
« Hippocrate » est comme l’hôpital, et comme le décrit lui-même son réalisateur, Thomas Lilti : « foisonnant ». La peinture se veut réaliste. Tourné à l’hôpital Raymond-Poincaré de Garches, et dans une aile désaffectée de l’hôpital Rothschild, à Paris, le film est émaillé de détails « vrais » : les bons gestes et équipements médicaux, les draps couleur jaune fané marqués « AP-HP », l’internat, les graffitis de la salle de garde, les outils pour mesurer la souffrance (l’échelle) et l’apaiser (pompe à morphine), ou encore le personnel en place, comme les infirmières Pauline et Juliette, initialement sollicitées comme coaches pour les acteurs, puis retenues à l’écran.
Thomas Lilti aborde tous les thèmes sur tous les tons : comédie, drame, documentaire et, à demi-mot, pamphlet. Avec le personnage du directeur d’hôpital, obsédé par ses enveloppes budgétaires, le réalisateur fustige une gestion purement comptable de l’hôpital, où pénurie de lits et manque de moyens peuvent conduire à des catastrophes humaines. Il n’est pas moins amer sur le sort réservé aux médecins étrangers, essentiels au fonctionnement des services, mais à la merci de l’arbitraire d’une hiérarchie parfois aveugle.
La double vie de Thomas Lilti
L’originalité et la justesse d’« Hippocrate » tiennent au regard du réalisateur, aujourd’hui généraliste remplaçant, qui s’est inspiré de sa décennie d’études en médecine dans les hôpitaux de l’Ouest parisien. Il y a les clins d’œil anecdotiques : Thomas Lilti a donné son deuxième prénom à son personnage principal, et un père médecin, le sien étant, en réalité, un gynécologue libéral à la retraite. Mais il y a surtout les épreuves qui marquent à jamais : l’erreur médicale, les doutes, la culpabilité. Et une grande admiration pour les soignants.
› Retrouvez dans notre édition papier du 4 septembre le portrait de Thomas Lilti.
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