Il y a aujourd’hui une « véritable incompréhension » entre les pouvoirs publics et le monde hospitalier, a observé ce lundi le Dr Patrick Pelloux, président de l’Association des médecins urgentistes de France (Amuf). Le médecin n’a, en effet, pas été convaincu par Emmanuel Macron, qui a présenté ses vœux aux professionnels de santé vendredi dernier au centre hospitalier de Corbeil-Essonnes, un discours qui avait déjà le jour même suscité des réactions partagées.
Le chef de l’État a même fait l'unanimité contre lui de syndicats et collectifs* qui ont organisé ce lundi une conférence de presse commune afin d'exiger « des décisions rapides pour reconstruire » un système de santé qui s’effrite de toutes parts. Pour le Dr Olivier Milleron, porte-parole du collectif inter-hôpitaux (CIH), les annonces d’Emmanuel Macron qui ne sont pas « au niveau des urgences de la population ». « Comment parler sérieusement de politiques de santé sans parler du financement, sans parler de la détermination de l’Ondam ou de la pertinence des soins ? », s’interroge le cardiologue de l'hôpital Bichat (AP-HP).
Plus confiance en Emmanuel Macron
Après « tant de discours contradictoires et de promesses non tenues, le président de la République n’a plus notre confiance », tacle le Dr Milleron qui jugera uniquement à l’avenir « les actes et les textes votés au Parlement ». Et de rappeler que son collectif milite depuis plusieurs années pour l’abandon de « la gestion marchande de notre système de santé, principale cause de la crise actuelle ». Selon lui, il faut absolument mettre en œuvre « un plan de construction qui parte des besoins en soins », mais aussi avoir « du personnel bien payé et en nombre » pour pouvoir prodiguer des soins de qualité. « Cela va coûter très cher », prévient-il.
Pour le CIH, c’est sur cette base que le budget de la santé doit être élaboré pour être « à la hauteur » des enjeux du vieillissement de la population et de l’augmentation du nombre de maladies chroniques. Le porte-parole du collectif a donc annoncé « des actions collectives de grande ampleur » afin de « contraindre l’exécutif à agir sans délai ». Elles s’inscriront dans le cadre du futur « printemps du service public de santé », en mars prochain. Les organisations réfléchissent actuellement à leurs « positions communes » et leurs « dénominateurs communs », avant de passer à l’action, a précise le Dr Pelloux.
« Aucune mesure concrète »
Il y a en effet urgence à agir, selon la Dr Floriane Zeyons, qui a organisé durant de plusieurs mois une minute de silence hebdomadaire devant les hôpitaux, en signe de protestation contre « la mort programmée de l’hôpital public ». La cardiologue strasbourgeoise considère également que la réponse d’Emmanuel Macron n’est « pas à la mesure des attentes des soignants ». Malgré quelques axes « louables » (sortie de la T2A, etc.), elle n’a entendu « aucune mesure concrète » susceptible de « déclencher immédiatement une amélioration de la prise en charge des patients ».
La Dr Zeyons n’a pas non plus noté d’annonce pour « majorer le budget des hôpitaux au-delà de l’Ondam (Objectif national de dépenses d'assurance-maladie, NDLR) ». Celui-ci est jugé « insuffisant » par la cardiologue, persuadée que les « beaux discours » non suivis « d’actions adéquates » participent à « rompre encore un peu plus la confiance des professionnels hospitaliers envers nos gouvernants ». Selon elle, ces discours « sont à l’hôpital, ce que l’orchestre de violons est au Titanic » et risqueraient « d’accélérer encore plus les départs ».
« Une nouvelle épidémie » chez les soignants
Pour que cette « hémorragie de départs » cesse, le président de la République devra « prendre la juste mesure de l’urgence », estime de son côté le Dr Jean-François Cibien, président de l’intersyndicale Actions praticiens hôpital (APH). L’urgentiste du CH d’Agens continue d'exiger la reconnaissance de la pénibilité de la permanence des soins et de « la réalité du temps de travail des hospitaliers ».
Enfin, Pierre Schwob Tellier, infirmier membre du Collectif inter-urgences (CIU), estime que « rien n’avance » sur les sujets de revalorisations salariales, d'augmentation du nombre de lits ou de sous-effectifs. Il met en garde contre une « une nouvelle épidémie » : la multiplication des mouvements de grève et des arrêts maladie massifs de soignants dans un nombre croissant de services d’urgences. À l’image de celles de l'hôpital de Pontoise où 90 % des soignants du service ont déposé des arrêts maladie ce lundi. Pour l’infirmier de Bichat, cela montre que les personnels « ne sont plus seulement en colère », mais qu’ils sont désormais « désabusés ».
* Étaient présent lors de la conférence de presse : les syndicats dont Amuf, CGT, APH, CFE-CGC, CGT, Sud et les collectifs de soignants et d’usagers dont les collectifs inter-hôpitaux (CIH) et inter-urgences (CIU), la coordination nationale de défense des hôpitaux et maternité de proximité ainsi que les collectifs « Santé en danger », « Printemps de la psychiatrie » et « Minute de silence ».
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