Les dirigeants du Syndicat national des médecins remplaçants des hôpitaux (SNMRH) ont-ils porté atteinte à la continuité des soins en publiant, en mars 2018, une « liste noire » des établissements qui plafonnent la rémunération des médecins intérimaires ?
Ce mardi 14 janvier, deux d'entre eux comparaissaient devant la chambre disciplinaire de l'Ordre des médecins (CROM) d'Île-de-France après une plainte déposée par le ministère de la Santé il y a un peu plus d'un an.
Les Drs Lynda Darrasse et Abdelaziz Hanaf étant tous les deux excusés, leur avocat, Me Marc Bellanger, a plaidé seul devant les juges ordinaux et dans une salle d'audience presque vide. Car dans les rangs de l'accusation, seul le conseil départemental de l'Ordre des médecins (CDOM) de Paris était représenté. Le ministère de la Santé, sans en expliquer les raisons, n'a pas dépêché d'avocat. Les deux praticiens – respectivement présidente et secrétaire du SNMRH – sont accusés d'avoir méconnu plusieurs principes du code de déontologie.
En vertu d'un décret d'application de la loi de santé 2016, la rémunération d'un médecin remplaçant dans un hôpital est désormais limitée à 1 170,04 euros brut par garde de 24 heures. Vent debout contre cette mesure, un collectif de médecins remplaçants, devenu par la suite le SNMRH, avait publié sur son site Internet la liste des hôpitaux qui appliquent véritablement ce plafonnement, encourageant ses adhérents à ne pas y travailler.
Plainte « scandaleuse »
En agissant de la sorte, les médecins incriminés ont « déconsidéré la profession », « pris les patients en otage » et « porté atteinte à la continuité des soins » a plaidé l'avocate de l'Ordre des médecins de Paris, qui s'est associé à la plainte émanant du ministère à l'encontre du Dr Lynda Darrasse. « Ils ont utilisé la désorganisation des soins comme un levier de négociation », accuse l'avocate qui requiert une suspension d'exercice de trois mois.
Pendant une demi-heure, Me Marc Bellanger a de son côté rejeté toute forme d'atteinte à la continuité des soins. « Il ne faut pas inverser la charge de la preuve », a exhorté l'avocat pour qui la continuité des soins n'est pas de la responsabilité des médecins intérimaires mais bien des établissements qui font appel à eux. Il a ensuite dénoncé « une plainte parfaitement scandaleuse » et dont l'unique objectif était de « briser un mouvement » de contestation. Or selon lui, « la publication d'un décret peut légitimement justifier une réaction ».
Reprenant une par une les trois pièces portées au dossier de plainte, Me Marc Bellanger rejette aussi l'accusation « d'appel au boycott » dont font l'objet ses clients. Il cite l'une d'entre elles, un article du « Quotidien » paru le 21 juin 2018, dans lequel le Dr Lynda Darrasse affirme au sujet de la « liste noire », « chacun est libre de faire ce qu'il veut, ce n'est pas un appel au boycott ».
Croisade
« On a terrorisé les gens ! », résume avec force l'avocat de la défense qui demande le rejet de la plainte et 3 000 euros de dédommagement pour ses clients. En l'absence de représentant pour le ministère de la Santé, les juges ordinaux ont très peu réagi aux deux plaidoiries. Leur délibéré sera rendu public dans un mois.
Jugée début décembre devant la chambre disciplinaire d'Auvergne-Rhône-Alpes sur la base d'une plainte identique, le Dr Christine Dautheribes, secrétaire générale du SNMRH, avait bénéficié pour sa part d'un non-lieu et de 1 500 euros de remboursement de ses frais d'avocat.
Si le ministère semble se désintéresser quelque peu des suites données à sa plainte, celle-ci fait écho à la croisade d'Agnès Buzyn contre les médecins intérimaires. Depuis son arrivée à Ségur, l'hématologue n'a eu de cesse de dénoncer ces « mercenaires payés 2 000 euros par jour » qui « profitent des failles du système ». Dans une interview au « Quotidien » le 25 novembre 2019, la ministre étrillait le « cannibalisme » de ces médecins qui « aspirent les dernières réserves financières des établissements qui ont du mal à survivre ».
Passant des mots à l'action, Agnès Buzyn a promis lors des annonces de son plan pour l'hôpital un contrôle accru du respect du fameux décret plafonnant les rémunérations et la mise en place prochaine d'un dispositif d'intérim public.
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