Travailler 12 heures d’affilée est devenu la norme dans certains services. La réanimation, par exemple, a adopté cette organisation dans la quasi-totalité des CHU. Les jeunes infirmières plébiscitent le dispositif qui les libère 4 jours par semaine.
Déroger aux 9 heures maximum pour les équipes de jour – et 10 heures pour les équipes de nuit – suppose l’aval des instances internes (CTE, CHSCT). Or les syndicats freinent. Certains vont jusqu’à porter l’affaire en justice. La controverse est alimentée par des arguments contraires.
D’un côté, il y a l’espoir, pour les soignants, d’équilibrer vie privée et vie professionnelle, avec 226 jours par an disponibles pour la famille, les loisirs. Autre intérêt : la synchronisation du temps médical et du temps paramédical. Et la perspective, pour l’administration, de réduire la masse salariale. « L’enjeu économique est non négligeable », affirme Jean-Marie Barbot, directeur d’hôpital.
D’un autre côté, les soignants doivent assurer 720 minutes d’affilée. Que deviendra la motivation des trentenaires dans une décennie ? Quid de la qualité des prises en charge ? L’impact sur le turn over et l’absentéisme n’est pas évalué, pas plus que celui sur les erreurs et les événements indésirables. Or le temps de transmission, nécessaire à la sécurité des soins, est comprimé : difficile, après 12 heures de mission, de « donner » 15 ou 30 minutes supplémentaires à l’institution. « Les transmissions écrites doivent être privilégiées », déclare Véronique Rivat, directrice des soins à l’hôpital de Cherbourg.
Selon une étude* menée auprès de 136 hôpitaux, seuls 4 % du personnel passés aux 12 heures souhaitent revenir aux horaires d’avant (avec trois équipes au lieu de deux). 85 % du personnel passé aux 12 heures se dit satisfait. Difficile d’imaginer faire marche arrière : « Beaucoup d’agents sont satisfaits de la qualité de vie au travail, mais le recul sur le long terme est insuffisant », conclut Véronique Rivat.
* Étude conduite par l’association pour le développement des ressources humaines des établissements sanitaires et sociaux, et présentée dans le cadre des rencontres RH de la santé à Paris le 1er octobre
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