Dans l'amphithéâtre A de la faculté de médecine de la Pitié-Salpêtrière (Assistance publique – Hôpitaux de Paris), la vivacité des débats traduit l'angoisse, l'incompréhension et parfois la colère de la cinquantaine de praticiens hospitaliers présents.
Le Dr Olivier Véran, ex-député PS, écoute attentivement ses confrères parisiens évoquer leur rapport souvent complexe à la T2A. Chargé par Marisol Touraine de proposer des pistes de financement pour les hôpitaux afin de « corriger les effets négatifs de la T2A », le neurologue du CHU de Grenoble a entamé vendredi dernier sa tournée de terrain.
Alors que la réforme du financement des hôpitaux de proximité est en cours (voir ci-dessous) et celle des établissements de soins de suite et de réadaptation (SSR) actée depuis le 1er janvier, le ministère pousse la logique de remise en cause du « tout T2A » en confiant cette mission ad hoc au Dr Véran.
Concrètement, le médecin (et un comité) doit examiner dans les mois à venir les spécificités des différents types de soins et explorer la piste d’une dotation modulée à l’activité, appliquée en particulier aux parcours de prise en charge des pathologies chroniques, aux soins palliatifs et aux soins non programmés.
De premières propositions seront rendues en « mai-juin », précise le Dr Véran, afin d'être déclinées à l'automne dans le prochain budget de la Sécu (PLFSS).
Surcodage, concurrence et tri sélectif des patients
« Suractivité », « surcodage », « environnement concurrentiel », « modèle inégalitaire », « sélection des patients », « tableau d'activité comparatif entre services »… La liste des effets pervers de la T2A cités par les PH de la Pitié-Salpêtrière – dont plusieurs membres du Mouvement de défense de l'hôpital public, qui s'élève contre la logique de « l'hôpital entreprise » – est longue. Certes, la dotation globale, opaque, ne poussait pas au dynamisme économique. Mais la T2A éclipse les soins au profit de l'activité, dénoncent de nombreux médecins.
« La T2A peut fonctionner pour les actes techniques traceurs et les séjours courts de patients cadrés, analyse le Dr Sophie Crozier-Mortreux, neurologue. Mais nos patients complexes, qui entrent dans une logique de parcours et de chronicité, ne sont absolument pas valorisés. Avec ce système, les complications, qu'on essaye en tant que médecins de prévenir, sont au contraire tout bénef' pour l'hôpital ».
Même son de cloche en oncologie, spécialité « lente » à laquelle la T2A ne rend pas suffisamment justice, selon les PH. Le Dr Jean-Paul Vernant prend l'exemple de l'irradiation hypofractionnée dans le cancer du sein, qui réduit de plus de moitié le nombre de séances et la durée de la radiothérapie. Une prise en charge favorable au patient mais défavorable à l'établissement, payé à la séance.
Trois modèles en un
Dès lors, existe-t-il une alternative à la T2A ? Le Pr André Grimaldi, diabétologue engagé, plaide pour l'utilisation conjointe des trois modèles de financement existants : la T2A pour les activités standardisées et programmées ; le prix de journée pour les soins palliatifs et la réanimation ; la dotation globale annuelle modulée à l’activité pour les maladies chroniques.
Le Pr Noël Garabédian, ORL à l'hôpital Necker-Enfants malades et nouveau patron de la commission médicale d'établissement (CME) de l'AP-HP, suggère d'affiner les critères de financement de la T2A « ensemble et sans a priori » pour revaloriser la pratique médicale. « Aujourd'hui, deux cataractes valent quatre ou cinq sténoses trachéales de l'enfant alors que pour ces deux actes, on ne joue pas dans la même cour ! », expose-t-il.
La mission Véran continuera à alterner les auditions à Paris et les visites en province. Un prochain déplacement est prévu à Lyon sur le thème de l'hospitalisation à domicile. Deux déplacements dans le Nord-Pas-de-Calais et à Poitiers devraient suivre.
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