Quelques jours seulement après la polémique née des propos du Pr Michel Aubier au Sénat, voilà un rapport qui tombe à pic. L'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) vient en effet de rendre public un rapport établi par un groupe de travail interne, présidé par son directeur général Martin Hirsch et comprenant des médecins, des cadres de l'établissement, des universitaires et des personnalités extérieures, visant à « mieux connaître et à mieux prévenir » les conflits d'intérêts au sein du premier CHU de France.
Les auteurs y préconisent « une politique active » sur le cumul des activités accessoires des praticiens, et proposent la suppression progressive des associations de service, la mise en place de dispositifs alternatifs à la visite médicale, l'élargissement du régime des déclarations d'intérêts, l'introduction de l'équité et de la transparence dans la participation aux congrès, et plus largement, le développement d'outils de prévention.
Il ne s'agit pas de mener une quelconque chasse aux sorcières, prévient le rapport. « Pour bien fonctionner, ajoutent ses auteurs, un CHU a besoin de relations avec l'industrie ». Pour autant, le document ne peut fermer les yeux sur des activités qui « représentent pour certains des montants qui peuvent doubler la rémunération principale, ce qui n'est pas sans soulever de questions ».
L'enjeu est de taille. Pour la seule participation des médecins de l'AP-HP aux congrès médicaux, les laboratoires débourseraient annuellement une somme comprise entre 30 et 40 millions d’euros, calcule le rapport. Même chose pour la formation continue. Le groupe de travail de l’AP-HP estime que les laboratoires investissent « entre 300 et 600 millions d’euros » chaque année en France sur ce budget, mais pas pour les seuls médecins de l'AP-HP, il est vrai.
Supprimer progressivement les associations de service
Le texte liste six propositions susceptibles d'amener de la transparence dans des liens par ailleurs nécessaires. « Prévenir les conflits ne signifie pas couper les relations avec les industriels », prévient le rapport.
Sur les activités accessoires des praticiens, il prône tout d'abord « une application plus stricte et plus systématique » de la réglementation existante. Il suggère donc de mettre en place une procédure d'autorisation commune pour les 39 hôpitaux de l'AP-HP, avec archivage centralisé des autorisations accordées. Ces autorisations ne devraient être données que si l'activité respecte l'indépendance du praticien. Le temps consacré à cette activité devra être limité : pas plus de 5 à 10 heures par semaine, avec une limite annuelle de 41 demi-journées pour les hospitalo-universitaires, et de 40 demi-journées pour les PH. Quant au montant de la rémunération, il devra être en rapport avec les deux précédents items.
Les auteurs ont dans leur collimateur les associations de service. Au nombre de plusieurs centaines à l'AP-HP, elles recueillent l'argent des industriels destiné à financer des essais cliniques. Mais l'AP-HP n'a pas accès à leur budget ni à leurs sources de financement alors qu'elles sont le plus souvent domiciliées en son sein. Le rapport milite pour leur disparition progressive au profit de fondations hospitalières pouvant remplir les mêmes fonctions, sous contrôle de l'AP-HP.
La visite médicale doit être mieux encadrée, estime aussi le rapport. Il déplore que dans de nombreux services, il n'y ait pas de règle particulière et qu'elles soient laissées, de fait, à l'initiative des laboratoires eux-mêmes. Le document propose de modifier le règlement intérieur des établissements. Les visiteurs médicaux (VM) ne pourraient plus accéder aux professionnels de santé « qu'avec l'accord express du responsable du service ». Ils devraient être préalablement référencés et leurs interventions ne se feraient que dans un cadre collectif, devant plusieurs professionnels de santé.
La déclaration d'intérêts pour tous
S'agissant des déclarations d'intérêts, le rapport préconise d'en étendre l'obligation aux responsables des services d'achat de l'AP-HP, aux responsables de la direction de la recherche clinique et du développement (DRCD), aux responsables de la direction de l'inspection et de l'audit (DIA), et aux membres du comité de direction et du directoire de l'AP-HP ainsi qu'à ceux du conseil de surveillance.
La participation des praticiens aux congrès doit se faire de manière équitable et transparente, souhaitent encore les auteurs. « Si la participation à des congrès doit être encouragée et favorisée, on peut considérer comme une anomalie que la participation de médecins d’un hôpital public à des congrès soit dépendante de l’industrie », estiment-ils. Ils proposent donc la création d'un tiers neutre entre le praticien et les industriels. Cette entité serait chargée de collecter les sommes allouées par les laboratoires, de déterminer quel praticien est le plus concerné par tel congrès ainsi que les montants nécessaires à sa participation.
Plus généralement, le rapport invite l'AP-HP à se doter d'une charte de déontologie, à créer la fonction de déontologue, et à mettre en place des outils d'information et de sensibilisation en la matière. Il conseille enfin aux autorités de faire en sorte que la question de la prévention des conflits d'intérêts soit convenablement traitée au cours de la formation initiale.
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