C’est un beau cadeau qu’Emmanuel Macron vient d’offrir aux hôpitaux, jusque-là freinés dans l’exportation de leur savoir-faire à l’international. Dans le projet de loi pour la croissance et l’activité, porté par le ministre de l’Économie et voté demain par les députés, un article adopté sans amendements la semaine passée autorise les établissements publics à créer ou participer à des filiales commerciales à l’étranger, facilitant la réponse aux appels d’offres internationaux. Jusque-là, les hôpitaux devaient coopérer avec des entreprises privées pour envisager un développement à l’étranger dans un cadre juridique très contraignant.
En modifiant la loi, le gouvernement incite de fait les établissements, 32 CHU en tête, à exporter leur expertise médicale et à tirer profit de leurs brevets de recherche, dans un marché très porteur mais concurrentiel.
Lacunes françaises
Le projet de construction du CHU de Constantine (Algérie), remporté en 2014 par un consortium incluant l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), illustre les contraintes juridiques passées. À l’époque, pas question pour le vaisseau amiral des hôpitaux français de toucher à la gestion ni à l’architecture, pourtant primordiales dans la mise en place d’un projet médical.
Désormais, les hôpitaux pourront prétendre à une rémunération de leur expertise en matière de gestion immobilière et financière, de services hôteliers et logistiques, de ressources humaines, de systèmes d’information en plus de la formation des personnels (para)médicaux, de l’organisation des flux, des laboratoires et de la définition de la stratégie globale de l’établissement. Côté pratique, ouvrir un compte bancaire à l’étranger (et bénéficier des avantages de la fiscalité locale) sera autorisé.
Les hôpitaux et les « conférences hospitalières » (directeurs de CHU, de centres hospitaliers et présidents de commission médicale d’établissement) sont ravis. « Cet article de loi va dynamiser les établissements sur l’export, se réjouit-on à la Fédération hospitalière de France (FHF). Entre les grands bailleurs internationaux qui subventionnent les projets de santé des pays émergents pour 35 milliards de dollars par an et les demandes de gré à gré, entre pays et établissement, nous avons notre place. »
Le commerce sanitaire a le vent en poupe. Pour rénover son système de santé, la Chine a prévu un budget de 50 milliards d’euros, et l’Arabie saoudite 85 milliards d’euros.
Bahreïn, Oman, Vietnam, Mexique…
Sollicités de toute part pour leur réputation d’excellence (notamment dans la formation des équipes, l’organisation et la gestion hospitalière), les hôpitaux français sont prêts à jouer la carte de l’export.
Les hôpitaux de Marseille (AP-HM) ont ainsi mis leur expertise au service d’un constructeur industriel et d’un pays – pour équiper un hôpital d’un service de radiothérapie – situés de l’autre côté de la Méditerranée. Satisfait, Jean-Jacques Romatet, patron de l’AP-HM, reste néanmoins discret sur l’identité de ses partenaires et le montant du marché.
À Paris, l’AP-HP (qui concentre 50 % de la recherche clinique française) est en contact avec Bahreïn, Oman, les Émirats arabes unis, le Vietnam, le Mexique, le Paraguay et le Liban.
Ouverte le 1er janvier, Expertise France, nouvelle agence dépendante du Quai d’Orsay, a vocation à aider les opérateurs tricolores (dont les hôpitaux) à repérer les marchés et à se positionner efficacement sur des appels d’offres à l’étranger. Cette structure devrait contribuer au développement d’une vraie filière française de santé à l’export, plus visible, et mieux structurée.
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