Réorganisation de l'offre de soins

Les hôpitaux de proximité main dans la main avec les CHU et la ville

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Publié le 27/05/2022
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Les établissements de santé de proximité nouvellement « labellisés » se veulent des partenaires des CHU et des acteurs libéraux. Des projets très concrets émergent pour améliorer l'offre de soins.

Comment les hôpitaux de proximité (HPR) peuvent-ils collaborer demain au quotidien avec les CHU, mais aussi avec les libéraux, pour rebâtir l'offre dans les territoires ? À l'heure où resurgissent certaines rivalités entre les deux secteurs – libéral, hospitalier – la jeune Fédération nationale des établissements de santé de proximité (FNESP*) a mis en avant la nécessité de travailler ensemble, autour de projets collectifs concrets au plus près des besoins de la population, lors du congrès Santexpo. 

La réforme a consacré ces établissements de proximité en tant que premier niveau de la gradation des soins hospitaliers, véritables traits d’union entre, d'un côté, la médecine de ville et, de l'autre, les centres de recours. Quelque 240 « HPR » ont déjà été labellisés depuis 2021 par les agences régionales de santé (ARS), le gouvernement ayant fixé l’objectif de 500 à 600 établissements. Ceux-ci représentent plus de 6 000 lits de médecine, 8 000 lits de SSR mais aussi 500 000 passages aux urgences par an.

Certaines activités sont obligatoires (médecine, consultations de spécialité complémentaires à l’offre libérale, plateaux d'imagerie ou de biologie médicale), d’autres sont optionnelles (médecine d’urgence, centres périnataux de proximité, SSR, soins palliatifs) voire exclues (chirurgie et obstétrique). Un décret a fixé le modèle de financement de ces ex-hôpitaux locaux, qui repose à la fois sur une « garantie pluriannuelle de financement » et une « dotation de responsabilité territoriale ».

Au-delà des préjugés

Dans cette gradation des soins hospitaliers et libéraux, chacun devra trouver sa place. Selon Séverine Laboue, représentante de la FNESP, les partenariats tissés aujourd'hui entre les hôpitaux de proximité et les CHU sont « du gagnant-gagnant », car ils bénéficient d’un accompagnement mutuel, ajoute la directrice du GH Loos Haubourdin (Hauts-de-France). À condition toutefois d’apprendre à « bien se connaître » et à « travailler ensemble ». Contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, l’expertise n’est pas l’apanage des CHU, « on a aussi plein d’HPR qui font de l’expertise, comme les CHU peuvent faire de la proximité », assure-t-elle.  

Pour le Dr Jean-François Ricono, médecin généraliste et vice-président de la FNESP, « tout le monde y trouve son intérêt ». À titre d’exemple, explique-t-il, le service de médecine du CH des Marches de Bretagne informe le CHU de Rennes de ses « disponibilités en ligne ». Objectif, « accueillir, dans la mesure de nos possibilités, les patients des urgences du CHU qui justifient d’une hospitalisation ». Mais son établissement est lui aussi « gagnant ». Le professeur de médecine interne et chef de service du CHU de Rennes anime, une fois par mois, une réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP) avec des libéraux et des salariés du CH des Marches de Bretagne. « Cela nous aide à gérer plus rapidement des problèmes complexes », confie le Dr Ricono. Le CHU de Rennes va également organiser des consultations avancées dans son établissement car « les ressources de spécialités deviennent compliquées à gérer ».

Apprivoisement réciproque

Directrice générale du CHU d’Angers, Cécile Jaglin-Grimonprez travaille en étroite collaboration avec six hôpitaux de proximité, à l’échelle de son territoire, à savoir le GHT de Maine-et-Loire. La première étape de ce partenariat a été celle de « l’acculturation, de l’apprivoisement réciproque », à travers la mise en place d’un « projet médical partagé ». L’idée, une fois de plus, est de garantir une offre de proximité de référence et de recours. « Les plus gros établissements ont vite compris que l’atout principal des hôpitaux de proximité était d’avoir une relation privilégiée avec les acteurs médicaux de ville du territoire, que nous connaissions assez mal », précise la DG du CHU d’Angers. 

Toutefois, pour que le partenariat fonctionne entre CHU et hôpitaux de proximité, « il ne faut pas entrer en concurrence avec les acteurs du territoire, mais apporter une plus-value, une complémentarité », insiste la DG du CHU d’Angers. C'est pourquoi son établissement a commencé par organiser des consultations avancées, avant de « développer le retour précoce des patients victimes d’AVC », directement depuis l’unité de soins intensifs neurovasculaires du CHU vers un service de médecine ou de SSR de l'hôpital de Chalonnes-sur-Loire, se félicite-t-elle. Pour réussir ce projet, une équipe du CHU d'Angers a formé les infirmiers et les aides-soignants de l’hôpital de proximité.

Il a également fallu « mettre en confiance » les généralistes libéraux qui suivent les patients hospitalisés dans l’hôpital local, ce qui passe par « une série d’engagements réciproques ». Par exemple, si l’état de santé d’un patient se dégrade, « on ne le laissera pas dans l’hôpital de proximité, sans solution. Il y a toujours un lit disponible dans l’unité de soins intensifs du CHU pour le reprendre si nécessaire ». Le succès de cette expérience depuis deux ans va conduire à son déploiement dans les autres hôpitaux de proximité du Maine et Loire.

* Cette fédération est issue de la fusion de l’AGHL – Association des médecins généralistes des hôpitaux locaux – et de l’ANCHL – Association nationale des Centres hospitaliers locaux

Julien Moschetti

Source : Le Quotidien du médecin