« Les attentats du 13 novembre ont montré que c’est l’ensemble de la République et de la communauté nationale qui est visé par le terrorisme, rappelle-t-on à la direction de l’Assistance publique des Hôpitaux de Paris (AP-HP). L’hôpital, comme tous les services publics et les lieux recevant du public, doit donc faire preuve d’une vigilance permanente. »
En pratique, depuis un mois, le nombre des accès a été limité, les trois quarts des portes ont été fermées, les contrôles sont maintenant systématiques, pour les visiteurs comme pour les personnels, qui doivent produire une carte professionnelle ou un bulletin de salaire avant d’être autorisés à pénétrer dans les hôpitaux ; « des agents de sécurité qualifiés affectés par des sociétés spécialisées », autrement dit des vigiles privés, sont partout présents. À la demande du directeur général, Martin Hirsch, « plusieurs sites bénéficient par ailleurs de patrouilles militaires dans le cadre de l’opération Sentinelle ». L’AP-HP, avec ses 37 hôpitaux et ses quelque 95 000 fonctionnaires et étudiants vit au rythme de vigipirate au niveau « alerte attentats », le calcul du coût de ce plan de sécurisation étant actuellement « en cours ».
CHSCT extraordinaire
« Ces mesures vont nous coûter très cher, mais elles sont indispensables, commente Isabelle Chaumont, responsable de la seule organisation à avoir participé au CHSCT extraordinaire consacré à la sécurité, la CFDT, les autres syndicats boycottant toutes les réunions dans le contexte lié à la réforme du temps de travail. Pour autant, poursuit la déléguée, il est difficile de dire si tout est réellement fait pour sécuriser l’ensemble de l’AP-HP, une mission particulièrement complexe, avec des hôpitaux qui sont des villes dans la ville, parcourus par des galeries souterraines, les sous-sols formant de véritables gruyères et les issues anciennes ne peuvent être complètement sécurisées. »
« Tout le monde met son point d’honneur à faciliter les tâches de filtrage, le contrôle des véhicules et l’ouverture systématique des sacs », observe le responsable d’une autre organisation, qui ne souhaite pas être nommé. Des vigiles sont équipés de lampes de détection et quelques portiques ont commencé à être installés dans certains établissements. Même si les syndicats n’ont pas participé aux réunions consacrées à la sécurité, toutes ces mesures font l’objet d’un consensus, mais sont-elles suffisantes, s’interroge aussi ce délégué, en pointant le risque d’infiltration au sein des équipes : « avec les nombreux plans économiques qui ont été adoptés, de plus en plus en d’intérimaires et de personnels en CDD (contrat à durée déterminée) sont présents et si les fonctionnaires doivent produire un extrait de casier judiciaire pour être recrutés, tel n’est pas systématiquement le cas pour eux. »
L’affaire Farid Benyetton a marqué les esprits (voir encadré). Cet ex « émir » de la filière des Buttes Chaumont, qui avait formé les frères Kouachi à l’idéologie radicale, occupait en janvier dernier un poste d’infirmier-stagiaire dans le service des urgences de la Pitié Salpêtrière, l’un des principaux établissements où avaient été pris en charge les victimes de la fusillade de Charlie Hebdo.
« Il n’y a pas d’affaire, nous répond la direction de l’AP-HP, mais un élève infirmier, suivi par les services de renseignement, qui a effectué son stage dans un hôpital et a été retiré des services dès que ses liens avec les auteurs des attentats de janvier ont été connus. Il n’a jamais été recruté par l’AP-HP. » « Le cas de cet infirmier stagiaire traduit un laisser-aller administratif gravement coupable, estime cependant Thierry Amouroux, responsable CFE-CGC de l’AP. On a laissé poursuivre sa formation à quelqu’un qui était identifié pour ses liens avec le jihad et qui avait été condamné à la prison. Le plus grave, c’est que depuis lors, aucune mesure n’a été prise pour exclure les personnes en porte-à-faux avec ce qui devrait être les règles déontologiques de tout établissement de soins. »
Fiches S : rien à communiquer
Si le cas Benyetton, identifié et condamné pour « association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste » fait bien sûr réagir, l’inquiétude n’est pas moindre au sujet des personnels qui font l’objet d’une fiche « S » en raison d’une suspicion de liens avec des mouvements terroristes. « Nous n’avons aucune information à ce sujet, ni sur leur nombre, ni sur leur fonction, ni sur un éventuel suivi de désendoctrinement qui serait proposé », déplore le délégué CFE-CGC. Interrogée par « le Quotidien », à la différence des responsables d’entreprises comme la RATP ou la SNCF qui se sont exprimés sur le sujet, la direction de l’AP-HP répond qu’elle « est en lien constant avec les services de la préfecture de police sur les questions de sécurité et n’a pas à communiquer sur les dispositions prises ».
Depuis les attentats de Paris, Boumedienne Médini (direction des patients, usagers et associations de l’AP) observe cependant qu’aucun incident, aucune tension n’a été signalé, en lien avec des appartenances religieuses. Ce que confirme l’aumônier national musulman des hôpitaux, Abdelaq Nabaoui : « Les 150 aumôniers musulmans salariés qui interviennent dans les hôpitaux se félicitent du climat de solidarité entre les différentes confessions. Ici et là, précise-t-il, quelques réactions d’amalgame sont à déplorer à l’encontre de femmes portant le voile, mais elles restent ultra-minoritaires. »
La préfecture et l’Intérieur saisis
En revanche, Abdelaq Nabaoui ne cache son inquiétude au sujet d’une dizaine d’associations musulmanes qui interviennent dans les hôpitaux au titre de l’accompagnement des patients et qui court-circuitent les aumôneries nommées par le CFCM (Conseil français du culte musulman) : « Ces associations signent des contrats avec des chefs d’établissements sans passer par nous et nous savons qu’elles peuvent être en lien avec des organisations radicales très dangereuses. Or leurs membres bénéficient de badges et de libre accès aux hôpitaux. »
Aumônier hospitalier régional pour l’Ile-de-France, l’imam Mohammed Azizi, tout en insistant sur « le climat hyper-chaleureux qui règne entre les représentants des diverses confessions », reconnaît qu’il rencontre des problèmes avec trois hôpitaux de l’AP-HP. « J’ai dû saisir à leur sujet la préfecture d’Ile-de-France et le BCC (bureau central des cultes) au ministère de l’Intérieur », déclare-t-il.
Interrogée sur les risques représentés par l’intervention de membres d’associations non agréées par l’aumônerie musulmane, la direction de l’AP répond : « L’aumônier national (musulman) a désigné un correspondant régional, ce que l’instruction de la DGOS (direction générale de l’offre de soins) du 12 février relative aux modalités de recrutement des aumôniers du culte musulman a confirmé. Dans ce cadre, l’AP-HP est régulièrement en contact avec ce correspondant régional. » On n’en saura pas plus. « Attentats : toutes les informations », annonce un large bandeau sur le site internet de l’AP. Sur la situation post-attentats, on restera dans l’expectative.
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