Convaincu que le système de santé français n’a pas su s’adapter aux nouveaux besoins, Frédéric Bizard, maître de conférences à Sciences-Po Paris, propose des pistes de réforme inspirées de son expertise, de voyages à l’étranger et de l’audition de personnalités (soignants, patients, hauts fonctionnaires, syndicalistes).
« Il faut cesser de dire que l’on a le meilleur système de protection sociale au monde », clame l’économiste, qui se qualifie de social-libéral. « Nous devons passer d’un système de santé hopitalocentré à une médecine personnalisée centrée sur les individus et les lieux de vie », affirme Frédéric Bizard dans son dernier ouvrage.
Selon lui, l’hôpital doit s’adapter à la révolution des pathologies chroniques et du vieillissement. L’économiste retient trois types d’établissements hospitaliers. Les « têtes de réseau », où seraient concentrés les plateaux techniques sophistiqués et les équipes de haut niveau, traiteraient les urgences vitales, les interventions lourdes et les phases aiguës des maladies. Les centres de moyen et long séjour, spécialisés dans les soins de suite et de longue durée, compteraient le plus grand nombre de lits. Enfin, les établissements ambulatoires, de court séjour exclusivement, seraient des centres de consultation et de chirurgie ambulatoire. « Toute l’organisation, y compris architecturale, doit être pensée pour gérer des flux rapides de patients », précise Frédéric Bizard, selon qui « le temps des grands "blockhaus" de béton » est révolu.
Le CHU obsolète ?
L’économiste chiffre à 2,5 milliards d’euros les gains d’efficience que pourrait entraîner cette restructuration grâce à la réduction du nombre de blocs opératoires, aux alternatives à l’hospitalisation et à la diminution du nombre de lits.
Côté financement, l’auteur plaide pour une transparence accrue dans l’attribution des enveloppes budgétaires (dont les MIGAC) et recommande la relance de la convergence tarifaire (arrêtée en 2012). L’économiste juge aussi que les partenariats public/privé sont une voie d’avenir. Frédéric Bizard appelle surtout à repenser le modèle français du CHU « qui fait tout au prix de l’excellence, réalise des prouesses médicales comme la greffe d’un cœur artificiel tout en recevant le clochard aviné, mais qui est devenu un gouffre financier insoutenable. » Il préconise un modèle basé sur l’excellence de spécialités, dans lequel les directeurs d’hôpital bénéficieraient d’une autonomie de gestion importante (notamment dans les procédures d’achat).
Frédéric Bizard défend également l’introduction d’une plus grande part de rémunération à la performance à l’hôpital, valorisant aussi bien les emplois administratifs que les soignants. « Pour rendre la T2A pertinente au sein d’un hôpital public, il est nécessaire de mettre en place un système d’intéressement du personnel, affirme-t-il. La loi le permet sous forme de primes basées sur la réalisation ou non d’objectifs figurant dans le contrat de pôle ». « Un pôle structurellement déficitaire n’a pas vocation à perdurer sauf pour une raison de santé publique justifiée », conclut-il.
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