Il semble à lire le contenu de votre dernière intervention publique le 5 septembre (« Le Quotidien » du 6/09) que votre fixation émotionnelle sur la médecine généraliste libérale ne s’améliore certes pas.
Il est rafraîchissant pour le médecin que je suis de vous voir plaider pour la pertinence des soins au nom de la FHF. Il conviendrait d’abord de balayer devant votre porte, et encore faudrait-il qu’il existe en plus d’une volonté réelle, un relevé, une analyse, un projet quant à cette fameuse pertinence au sein des établissements hospitaliers. La tache apparaît déjà comme immense… La seule pertinence accessible dans la vérité des faits, est celle de la gabegie de soins, d’examens, et là le monde hospitalier est le premier contributeur à la chose.
Comme à l’ordinaire, vous inventez l’eau chaude, et enfoncez les portes ouvertes gaillardement entre adjectifs enthousiastes (« volontariste et ambitieuse ») et expressions aléatoires (« si les dépenses abusives représentent 30 % des dépenses de santé, comme le dit Agnès Buzyn, nous pouvons faire d’énormes gains »).
Corrélation simpliste
Il était fatal et incontournable chez vous de proposer une cartographie, nommée curieusement, je cite : « évolution des actifs à part entière et des passages aux urgences », les médecins devenant des actifs à part entière, l’expression de médecins libéraux vous blesse ? ! Et là de faire une corrélation simpliste, évidente, entre une hausse des fréquentations des SAU dans un département donné, et la baisse de la démographie médicale libérale dans ce même département considéré.
Cependant il faut noter que vous parlez enfin de choses évidentes : « cette explosion de la fréquentation aux urgences de personnes qui pourraient être traitées autrement, à meilleur coût et qui pourraient même être mieux accueillies ». Mais bien sûr votre constat s’arrête là.
C’est là l’évidence pour tout médecin généraliste libéral de notre pays et ce depuis 30 ans. Les 22 ou 23 millions de passages aux urgences annuels, surréalistes, signent une faillite totale de notre système de soins. Qu’il ne s’agisse pas de la première urgence à traiter en tant que dossier de notre protection sociale, au niveau des ministères successifs et de l’UNCAM depuis 30 ans laisse rêveur… ! À 3 et 5 milliards d’euros par an, de gabegie totale, la chose apparaît quelque peu surprenante, non ?
Pourquoi ne pas dire que le retour de tous ces patients vers la médecine générale serait bénéfique pour tout le monde, meilleurs soins, cohérence des suivis, meilleur accueil (quoi qu’on en dise on n’attend pas 5 heures sans avoir une consultation.), économies de soins et de santé, sans oublier les désordres et la fatigue subis par les patients dans tous ces déplacements, qui ne rentrent guère en ligne de compte dans tous vos discours.
La pertinence des soins, c'est nous !
La pertinence des soins, c’est nous, les médecins généralistes libéraux. Et, bien sûr, vous ne pouvez vous retenir de revenir sur les solutions miracles de la FHF à tout cela, et là il semble que la déconnexion avec le réel soit totale : gardes obligatoires retour du STO ; déconventionnement pour les récalcitrants ou de mauvaise volonté.
Selon vous il s’agirait « plus d’une intention politique pour montrer le retour de l’État » Doit-on vous faire mémoire que des territoires entiers de notre pays ne sont pas passés très loin de déconventionnements généralisés il y a quelques années, ce qui avait fait sentir le vent du boulet à notre haute administration de la santé : on dit chiche ?
Je vous propose cependant un autre point de réflexion, qui nous interpelle de plus en plus les uns et les autres dans notre exercice médical quotidien, surtout en fin de journée. Que deviendront tous ces malades vus, et écoutés en un jour, quand nous ne serons plus là pour les soigner et régler tous leurs problèmes ? Une écrasante proportion n’ira plus nulle part, et certainement pas aux urgences, et nous assistera à une dégradation extrêmement importante des soins et de la protection sanitaire de notre pays.
À votre poste de responsabilité, Il s’agit là de notions de base, à porter dans vos interventions et dans votre attitude de manière responsable.
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