La direction du CHU de Rennes est sous la pression des médias. En cause : les affirmations lancées par le syndicat Sud Santé-Sociaux qui dénonce des « tonnes de médicaments et produits médicaux » jetés et des « centaines de milliers d’euros » ainsi gaspillés.
Ce jeudi, le directeur de l’établissement rennais est à son tour monté au créneau pour, dit-il, rétablir les vérités.
Au-delà de cette polémique sur les médicaments non périmés détruits, « l’affaire » met en évidence les problèmes importants de gestion du circuit du médicament au CHU.
L’argument de la sécurité sanitaire
Pendant une heure, le directeur du CHU de Rennes, André Fritz, a repris une à une les accusations lancées dans son bulletin d’avril par le syndicat Sud. Et, à son tour, a pris l’offensive.
Des « centaines de milliers d’euros » de médicaments qui « partent en fumée », comme l’a avancé l’organisation syndicale ? « C’est faux, répond le directeur général. Nous estimons le chiffre de médicaments effectivement détruits à 30 000 euros sur un budget médicaments de 100 millions. Nous ne nous satisfaisons pas de cela bien sûr, mais le chiffre n’a rien à voir avec les allégations de ce syndicat. Rappelons que la destruction de médicaments se justifie par la politique de sécurité sanitaire. Par exemple, un médicament qui a subi une détérioration de son conditionnement lors de son transport vers une unité de soin et qui est retourné à la pharmacie centrale pour diverses raisons ou une date de péremption jugée trop proche pour remettre ce même médicament dans le circuit justifient que l’on détruise le produit. Il faut savoir qu’il est plus difficile de remettre un médicament dans le circuit interne que de réceptionner le même médicament en provenance d’un fournisseur. » Et de poursuivre : « Le syndicat n’a aucune preuve pour dire cela. »
Un volume de destruction regrettable, sûrement ; perfectible encore, probablement… mais certainement incompressible, si l’on voulait résumer la démonstration à laquelle se sont consacrés le directeur et ses adjoints.
En revanche, la description détaillée des dysfonctionnements proposée par Sud n’est pas contredite en bloc par les responsables de l’hôpital. C’est sans doute là que réside d’ailleurs le véritable objectif recherché par le syndicat : dénoncer un système de gestion du médicament problématique et, à travers lui, « un personnel en souffrance ».
Dysfonctionnements en cascade
Une accumulation d’écueils semble rendre la gestion de l’ensemble difficile. Des palettes de fournisseurs qui ne sont pas aux normes européennes et qui obligent les agents à « reconditionner » au bon format les produits ; une informatisation et une automatisation qui présentent des pannes régulières ; des locaux « à l’évidence sous-dimensionnés », comme le rappelle dans un communiqué… la direction du CHU.
Là où le bât blesse, c’est que ces « insuffisances structurelles » datent de l’ouverture en 2010 du nouveau bâtiment qui abrite entre autres la pharmacie centrale et que les locaux et l’ensemble du « process pharmaceutique » sont gérés par le groupe Eiffage et sa filiale H’Ennez, dans le cadre d’un « partenariat public-privé ».
Dans ces conditions, quelle est la marge de manœuvre du CHU ? « Une pression constante » sur son partenaire est revendiquée par la direction. Plusieurs centaines de milliers d’euros (pas de chiffre précis, confidentialité du contrat oblige) de pénalités ont déjà été appliquées sur un loyer annuel oscillant entre 6 et 7 millions d’euros (dont 7 à 8 % de « frais financiers »), sans parler de la vingtaine de millions d’euros que le CHU devra débourser en 2029 pour devenir propriétaire du bâtiment.
Un « levier assez efficace » pour améliorer la situation, selon le directeur technique du CHU. Mais aucun agrandissement des locaux n’est prévu.
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