Cher confrère,
En qualité de spécialiste en Gynécologie-Obstétrique exerçant en libéral depuis plus de 26 ans, et de président du conseil régional de l’Ordre des médecins de Franche-Comté, je ne peux laisser sans réponse vos propos développés dans l’article du « Quotidien » du 29 janvier 2015 concertant le seuil d’activité de vous jugeriez acceptable pour le fonctionnement de nos maternités.
Je m’interroge tout d’abord sur la légitimité de votre intervention, la présentation faite de votre qualification (Professeur d’Urologie) ne vous donnant pas qualité pour juger d’une spécialité qui n’est pas la vôtre. Quelle serait votre réaction si un Gynéco-Obstétricien se positionnait sur la répartition territoriale des procédures robotisées destinées à la prostatectomie ?
Le seul point acceptable de vos propos est la constatation de dérogations multiples au seuil d’activité des maternités (300 accouchements annuels) obtenues par pressions des élus, alors que l’éloignement géographique n’est pas un réel problème à l’échelon de notre pays. Et cela ne dépend pas des spécialistes en Gynécologie Obstétrique qui ne manifestent jamais pour garder des sites d’activité souvent difficiles à faire fonctionner.
Tout le reste de vos propos est un savant mélange de contre-vérités, d’images d’Épinal surannées et de mépris pour vos confrères médecins Généralistes et Gynécologues Obstétriciens.
L’antienne bien connue du comparatif entre la France et les pays nordiques fait abstraction des différences géographiques, climatiques et démographiques entre ces deux entités ; si on pondère l’offre de soins avec ces composantes évidentes de la vie des populations, les deux modèles deviennent très voisins.
Vous laissez clairement entendre que les taux de césariennes et les décès maternels seraient améliorés en confiant les parturientes aux sages-femmes ; merci pour cette reconnaissance inattendue de la qualité de cette profession médicale qui est complémentaire de notre spécialité mais ne peut assumer seule la naissance des 750 000 nouveaux Français chaque année (je vous suggère de vérifier les compétences qui leur sont attribuées de par leur formation). Vous méconnaissez le fonctionnement conjoint des deux professions médicales, et vous accusez clairement d’incompétence, voire de dangerosité, les Obstétriciens en oubliant l’amélioration spectaculaire de l’état de santé des nouveau-nés et des parturientes grâce à l’organisation médicalisée des conditions de naissance.
Vous arrivez à prôner simultanément le regroupement des naissances dans des structures de taille très supérieure à la moyenne actuelle de nos maternités et l’organisation des naissances autour des sages-femmes en démédicalisant l’environnement de l’accouchement ! Deux propositions évidemment antinomiques !
Enfin, vous vous permettez de proposer votre seuil minimum d’activité pour une maternité (500 accouchements annuels) sans développer aucune argumentation sur ce chiffre. Je vous rappelle que le seuil actuel de 300 naissances par an a fait l’objet d’une étude conjointe des spécialistes obstétriciens et des tutelles administratives (ministère, et ARH de l’époque). Il aurait été alors plus simple de vous demander votre avis personnel puisque vos propos laissent penser que votre réflexion suffit pour établir les bases de fonctionnement d’une spécialité qui n’est pas la vôtre…
Enfin, l’amalgame entre les médecins de campagne et les élus locaux, deux catégories d’actifs qui semblent bien peu importants aux yeux d’un Professeur parisien, est présenté avec un soupçon de mépris qui me paraît peu compatible avec la déontologie de notre profession.
Cher confrère, arrêtez de pontifier sur des domaines que vous ne connaissez que partiellement, et respectez vos confrères quels que soient leur spécialité et leur lieu d’exercice. La médecine doit progresser et s’améliorer en tenant compte des réalités économiques et démographiques de notre pays. La concertation entre les intervenants est indispensable pour que les propos tenus dans des articles de presse ou sur les ondes ne reflètent pas seulement l’ego des interviewés mais deviennent pédagogiques et constructifs.
Veuillez agréer l’expression des salutations confraternelles d’un spécialiste de province, qui se lève chaque nuit pour assurer des accouchements sécurisés, au tarif opposable, pour une population dont vous n’imaginez probablement même pas l’existence.
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