« On vous attend au centre de soins immédiats » à deux kilomètres de là, dit une voix par l'interphone, devant la porte close des urgences de Montauban. Déconcerté, l'homme rebrousse chemin, avec son frère malade et son fils handicapé. Pour éviter l'engorgement de son service des urgences - en manque de médecins -, l'hôpital de Montauban est un des premiers en France à en filtrer l'entrée, nuit et jour, grâce à deux interphones.
Le vert est réservé aux patients ayant obtenu un accord téléphonique préalable de prise en charge. Via le rouge, les autres peuvent expliquer leur cas, avant d'être autorisés à entrer, ou pas. Mis en place depuis début juillet, ce filtrage vise à faire le tri pour ne traiter que les cas « relevant vraiment » des urgences, explique l'une des chefs du service, la Dr Hélène Pizzut.
25 % de patients en moins
Le nouveau procédé se traduit par une « diminution moyenne de 25 % du nombre de passages » et « le recentrage sur son cœur de métier » du service, afin aussi d'attirer davantage d'urgentistes, en nombre insuffisant en France. Des gens se présentant sans rendez-vous sont orientés vers d'autres centres médicaux susceptibles de les soigner, comme ce patient d'une quarantaine d'années, son frère pâle de douleur et son fils autiste.
Tout ça avec plus ou moins de succès : trois heures plus tard, il est à nouveau là, renvoyé par le centre auquel il avait été adressé… Devant la même porte fermée, il reste poli, mais semble fatigué et en colère.
Activité moins intense
Ces dernières années, le nombre de patients venant aux urgences a explosé. « On était, il y a vingt ans, à 20 000 entrées, on est actuellement à 40 000 » par an, affirme l'autre chef de service, le Dr Dominique Coppin. Cette croissance coïncide avec une baisse du nombre de généralistes libéraux. Dans le Tarn-et-Garonne, 10 % de la population n'a pas de médecin traitant, rappelle l'urgentiste de 67 ans.
Si l'activité reste soutenue, elle est moins intense qu'elle ne le serait sans « filtrage », souligne-t-il, montrant la salle d'attente, où sont assis trois patients. « La vingtaine de places seraient toutes occupées. » Dans un couloir, plusieurs brancards vides. Sans « régulation » à l'entrée, ils seraient tous pris aussi, poursuit le Dr Coppin. Pour la Dr Pizzut, depuis la mise en place des interphones, le personnel peut travailler avec davantage de « sérénité ».
Hausse de 50 % des appels au Samu
Le choix fait à Montauban correspond, admet la Dr Pizzut, à l'idée que se fait le gouvernement de l'accès aux urgences. Pour limiter leur engorgement, le nouveau ministre de la Santé, François Braun, a exhorté à contacter d'abord « le 15 », où les appels ont du même coup augmenté. Ainsi, à Montauban, la baisse de 25 % de l'activité aux urgences s'est accompagnée d'une hausse de plus de 50 % des appels au Samu.
La Première ministre, Élisabeth Borne, a aussi souhaité début juillet « que chacun puisse prendre le réflexe du 15 et ne pas venir systématiquement aux urgences ». Elle relayait ainsi plus sobrement le message du Dr Braun qui avait estimé, avant sa prise de fonction : « Les urgences, ça ne peut plus être "open bar" ! »
Mais le président de l'association des usagers de l'hôpital de Montauban, Maurice Souleil, voit les choses autrement. Selon lui, il vaudrait mieux revenir sur des décennies de « politiques de destruction de l'hôpital public », cause de la saturation des urgences et des déserts médicaux. Il dénonce aussi la limitation des entrées en faculté de médecine - numerus clausus supprimé en 2018 - ou le financement des hôpitaux en fonction de leur niveau d'activité.
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