Faute de médecins, le service d’urgence du Centre hospitalier de la Dracénie à Draguignan (Var) a été contraint de réduire ses horaires d’ouverture depuis octobre. Le Dr Charles Le Maout, chef du pôle urgences médecine, décrit au « Quotidien » ses inquiétudes pour l'été et les solutions mises en place par le CH pour tenter de faire face à la pénurie de praticiens.
LE QUOTIDIEN : Quelle est actuellement la situation aux urgences de Draguignan ?
Dr CHARLES LE MAOUT : Depuis octobre, les urgences sont fermées tous les soirs de la semaine, entre 20 h 30 et 8 h 30. Pour faire tourner 24 heures/24, l’unité d'hospitalisation de courte durée (UHCD), le Smur et le SAU, il faut une vingtaine d’équivalents temps plein (ETP). À l'automne dernier, nous nous étions retrouvés à 6,8 ETP, nous avons donc été obligés de fermer le SAU la nuit, après avoir été contraints de fermer l’UHCD. Puis, en avril, nous avions pu réouvrir les nuits de vendredi à samedi et de samedi à dimanche ainsi que les veilles de jours fériés. Jusqu’à présent, nous avons réussi à maintenir les urgences vitales 24 heures/24. Si vous vous présentez avec une grosse hémorragie ou une douleur thoracique, notre porte est toujours ouverte.
Il nous fallait six médecins en journée pour maintenir l’ouverture des urgences jusqu’à 20 h 30 en semaine. Nous avons discuté avec les hôpitaux de proximité du territoire et décidé de mettre en place la prime de solidarité territoriale (PST). Grâce à cette prime, des médecins en provenance de Toulon, Fréjus, Brignoles, Cannes ou Grasse sont venus nous prêter main-forte. Cela a plutôt bien fonctionné, sauf les veilles de week-end et de jours fériés Mais cela n’a pas permis d’ouvrir nos urgences la nuit en semaine, alors que c’était l’objectif initial. Pour les médecins, cette fermeture des urgences est une catastrophe. Nous sommes démoralisés. Nous nous rendons compte que nous ne sommes plus capables d’assurer le soin que nous assurions autrefois. C’est un constat d’échec, mais nous ne pouvons pas faire autrement, car sinon nous mettrions la vie des patients en danger.
Avez-vous essayé de mettre en place une régulation par le centre 15 ?
Nous avons essayé de mettre en place une régulation médicale l’année dernière. Mais il n’y avait pas assez d’urgentistes, donc les médecins faisaient des gardes de 24 heures un jour sur deux, voire un jour sur trois. Ils ont fini par être épuisés. Aujourd’hui, les habitants de la région sont censés être au courant que les urgences de Draguignan sont fermées la nuit en semaine, donc ils ne se présentent pas spontanément. D’autre part, en dehors des urgences vitales, la régulation par les pompiers et le Samu adresse les patients vers les urgences les plus proches (Fréjus, Brignoles…). Si toutefois des patients se présentent spontanément aux urgences la nuit, ils sont évalués par un interne ou un médecin senior qui décide de les garder en cas d’urgence vitale. Si ce n’est pas le cas, ils leur demandent d’aller consulter leur médecin traitant le lendemain, ou de se rendre dans les urgences le plus proches.
Avez-vous réussi à recruter des médecins ces derniers mois ?
Nous avions réussi à recruter trois médecins en début d’année mais deux autres sont partis courant juin, en retraite et en formation. Début juillet, nous allons donc être obligés de refermer les vendredis soir, samedi soir et veilles de jours fériés. Par ailleurs, en raison des vacances d’été et du surplus d’activité dans les services d’urgences du Var, nous pourrons faire appel à moitié moins de praticiens avec la prime de solidarité territoriale. L’été s’annonce donc difficile car le Var est une région touristique. Nous avons lancé les demandes de recrutement, mais il y a très peu d’urgentistes sur le marché… Les médecins ne se déplacent plus pour un salaire de PH, ils préfèrent faire de l’intérim pour gagner beaucoup plus.
Quels leviers activez-vous pour tenter de recruter ou fidéliser les médecins urgentistes ?
En tant que chef de pôle, j’essaie d’améliorer la qualité de vie au travail (QVT), d’intégrer les médecins dans des projets ou de diminuer la charge aux urgences. Nous devrions, par exemple, mettre un interne de pédiatrie aux urgences, ce qui permettra aussi de ménager un peu les urgentistes. Depuis la fermeture des urgences la nuit, la direction réfléchit aussi à une solution territoriale avec l’ARS PACA, la fédération d’urgence du Var (FUV) et les services d’urgence (publics et privés) du territoire.
Nous travaillons aussi avec les médecins de ville et la communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS) du territoire, pour qu’ils assurent davantage de soins non programmés, et que nous puissions leur réadresser des patients quand il ne s’agit pas d’urgences absolues. Mais, selon le président de la CPTS, il y a 60 médecins généralistes pour environ 100 000 habitants dans l’agglomération, alors qu’il en faudrait 100 pour ce bassin de population… Nous aimerions mettre en place le plus rapidement possible le service d’accès aux soins (SAS). Enfin, nous avons aussi trouvé un local pour créer un projet de maison médicale accolée aux urgences. Elle sera ouverte le plus longtemps possible, pour pouvoir assurer ces soins non programmés non urgents. Mais, pour cela, il faut pouvoir recruter et financer des médecins, et cela coince un peu pour le moment.
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